Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/491

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1o Non-seulement aucune de ces Épîtres dont vous parlez n’est de moi, mais c’est être mon ennemi que de me les attribuer ; c’est vouloir me rendre responsable de certains traits qui y sont répandus, et dont on dit qu’on a fait un usage extrêmement odieux. Je vous prie instamment de représenter ou de faire représenter au gentil Bernard combien son acharnement à soutenir qu’elles sont de moi m’est préjudiciable. Je suis persuadé qu’il ne voudra pas me nuire, et c’est me nuire infiniment que de m’imputer ces ouvrages ; je remets cela à votre prudence.

Je vous prie de remercier tendrement pour moi le protecteur des arts, M. de Caylus ; il a trop de mérite pour avoir jamais pris aucune des impressions cruelles qu’a voulu donner de moi le sieur de Launai[1]. Je n’ai jamais mérité l’iniquité de de Launai ; mais je me flatte de n’être pas tout à fait indigne des bontés de M. de Caylus, dont je respecte les mœurs, le caractère, et les talents. En vérité, mon cher Thieriot, vous ne pouvez pas me rendre un plus grand service que de me ménager une place dans un cœur comme le sien. Je vous supplie de lui présenter un exemplaire de mon Newton. Je laisse à votre amitié le choix des personnes à qui vous en donnerez de ma part.

Quant au Mémoire sur le feu, que Mme du Châtelet a composé[2], il est plein de choses qui feraient honneur aux plus grands physiciens, et elle aurait eu un des prix si l’absurde et ridicule chimère des tourbillons ne subsistait pas encore dans les têtes. Il n’y a que le temps qui puisse défaire les Français des idées romanesques. M. de Maupertuis, le plus grand géomètre de l’Europe, a mandé tout net que les deux mémoires français couronnés sont pitoyables ; mais il ne faut pas le dire.

Je vous envoie une lettre de M. Pitot, qui vous mettra plus au fait que tout ce que je pourrais vous dire sur cette aventure très-singulière dans le pays des lettres, et qui mérite place dans votre répertoire d’anecdotes.

En voici une qui est moins intéressante, mais qui peut faire nombre. Rousseau m’a envoyé cette longue et mauvaise ode[3] dont vous parlez. Il m’a fait dire qu’il me faisait ce présent par humilité chrétienne, et qu’il m’a toujours fort estimé. Je lui ai fait dire que je m’entendais mal en humilité chrétienne, mais

  1. Voyez tome XXXIII, pages 112 et 338.
  2. Voyez la note, tome XXII, page 279.
  3. Ode à M. le comte de Launoy, gouverneur de Bruxelles, sur une maladie de l’auteur causée par une attaque de paralysie. Elle est la 9e du IVe livre.