Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/495

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Est-ce à vous d’écouler l’ambition funeste,
Et la soif des faux biens dont on est captivé ?
Un instant les détruit, mais la vérité reste.
Voilà le seul trésor ; et vous l’avez trouvé.

Je laisse à Mme du Châtelet, la plus digne amie assurément que vous ayez, le soin de vous dire combien de sortes de plaisirs votre excellent ouvrage nous cause. Ce qu’il y a de triste, c’est que son succès infaillible vous arrêtera dans Paris, et nous privera de vous.

Nous apprenons dans l’instant, par votre lettre, que vos succès ne vous retiennent point à Paris, mais que la sensibilité de votre cœur vous fait partir pour Saint-Malo. Comment faites-vous avec cet esprit sublime pour avoir aussi un cœur ?

Je ne vous ai point envoyé mon ouvrage[1], parce que je ne l’avais point ; il vient enfin de m’en venir un exemplaire de Paris. On ne peut pas imprimer un livre avec moins d’exactitude ; cela fourmille de fautes. Les ignorants pour lesquels il était destiné ne pourront les corriger, et les savants me les attribueront.

Je ne suis ni surpris ni fâché que l’abbé Desfontaines essaye de donner des ridicules à l’attraction. Un homme aussi entiché du péché anti-physique, et qui est d’ailleurs aussi peu physicien, doit toujours pécher contre nature[2].

J’ai lu le livre de M. Algarotti[3]. Il y a, comme de raison, plus de tours et de pensées que de vérités. Je crois qu’il réussira en italien, mais je doute qu’en français « l’amour d’un amant qui décroit en raison du cube de la distance de sa maîtresse, et du carré de l’absence », plaise aux esprits bien faits qui ont été choqués de « la beauté blonde du soleil » et de « la beauté brune de la lune » dans le livre des Mondes[4].

Ce livre a besoin d’un traducteur excellent. Mais celui qui est capable de bien traduire s’amuse rarement à traduire.

J’apprends dans le moment qu’on réimprime mon maudit ouvrage. Je vais sur-le-champ me mettre à le corriger. Il y a mille contre-sens dans l’impression. J’ai déjà corrigé les fautes de l’éditeur sur la lumière ; mais si vous vouliez consacrer deux heures à me corriger les miennes et sur la lumière et sur la pesanteur, vous me rendriez un service dont je ne perdrai jamais

  1. L’édition de Hollande des Éléments de la Philosophie de Newton.
  2. Cette dernière phrase a été mise en vers par Voltaire ; voyez lettre 876.
  3. Il Newtonianismo per le Dame.
  4. Fontenelle, Entretiens sur la pluralité des Mondes, première soirée.