Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/497

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous êtes un Père Mersenne qu’on ne saurait trop aimer. Je vous ai bien des obligations, mais vous n’êtes pas au bout.

On vient de déballer l’Algarotti. Il est gravé au-devant de son livre avec Mme  du Châtelet. Elle est la véritable marquise[1]. Il n’y en a point en Italie qui eût donné à l’auteur d’aussi bons conseils qu’elle. Le peu que je lis de son livre, en courant, me confirme dans mon opinion. C’est presque en italien ce que les Mondes sont en français. L’air de copie domine trop ; et le grand mal, c’est qu’il y a beaucoup d’esprit inutile. L’ouvrage n’est pas plus profond que celui des Mondes. Nota bene que

· · · · · · · · · · · · · · · quæ légat ipsa Lycoris[2]

est très-joli ; mais ce n’est pas pauca meo Gallo, c’est plurima Bernardo. Je crois qu’il y a plus de vérité dans dix pages de mon ouvrage que dans tout son livre ; et voilà peut-être ce qui me coulera à fond, et ce qui fera sa fortune. Il a pris les fleurs pour lui, et m’a laissé les épines. Voici encore un autre livre que je vais dévorer ; c’est la réponse[3] à feu Melon. Comment nommez-vous l’auteur ? Je veux savoir son nom, car vous l’estimez.

Montrez donc ma table et mon Mémoire[4] à Pollion, puisqu’il lit mon livre, afin qu’il rectifie une partie des erreurs qu’il trouvera en son chemin. Je vois que mon Mémoire fera tomber le prix du livre ; les libraires le méritent bien ; mais je ne veux pas me déshonorer pour les enrichir.

Adieu, mon cher ami ; soyez donc de la noce de ma nièce, au moins.

J’oubliais de vous dire combien je suis sensible à la justice que me rendent ceux qui ne m’imputent point ces trois sermons rimés[5], auxquels je n’ai jamais pensé. Encore un mot. Je suis charmé que vous soyez en avance avec le prince ; il est bon qu’il vous ait obligation. Ce n’est point un illustre ingrat ; il n’est à présent qu’un illustre indigent.

Je vous embrasse tendrement. Embrassez Serizy[6].

  1. Voyez plus haut la fin de la lettre 867.
  2. Fin d’un vers de Virgile, au commencement de l’églogue x :
    Pauca meo Gallo, sed quæ légat ipsa Lycoris,
    Carmen sunt dicenda · · · · · · · · · · · · · · ·
  3. Réflexions politiques de Dutot.
  4. Mémoire adressé au Journal des Savants sur les Éléments.
  5. Les Discours sur l’Homme.
  6. Surnom de sa nièce.