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dans cet ouvrage, s’il veut, par une réparation publique, réparer tout le passé.

Il dit dans la lettre que vous m’envoyez que je lui ai fait faire depuis peu des compliments injurieux. Je puis l’assurer qu’il n’en est rien. Je ne suis pas accoutumé à me déguiser avec lui. Il doit songer que plusieurs de ceux dont il s’est attiré justement la haine vivent encore ; que d’autres ont laissé des enfants qui ne lui pardonneront jamais ; que tant qu’il respirera il aura des ennemis qu’il a rendus implacables ; il doit savoir que ces ennemis ont renversé toutes les batteries qu’on avait dressées pour le faire revenir en France. Il m’impute souvent des choses qu’il ne doit attribuer qu’à leur animosité éternelle. Pour moi, je sais me venger, et je sais pardonner quand il le faut. Voilà mes sentiments, monsieur ; vous pouvez en instruire la personne qui vous a remis son ode et sa lettre. Vous pouvez faire de ma lettre l’usage que vous croirez convenable au bien de la paix, etc., etc.


886. — À M. THIERIOT.
Le 23 juin.

Mon cher ami, je suis depuis quinze jours si occupé d’un cabinet de physique que je prépare, si plongé dans le carré des distances et dans l’optique, que le Parnasse est un peu oublié. Je crois bien que les gens aimables ne parlent plus des Éléments de Newton. On ne s’entretient point à souper deux fois de suite de la même chose, et on a raison, quand le sujet de la conversation est un peu abstrait. Cela n’empêche pas qu’à la sourdine, les gens qui veulent s’instruire ne lisent des ouvrages qu’il faut méditer ; et il faut bien qu’il y ait un peu de ces gens-là, puisqu’on réimprime les Éléments de Newton en deux endroits[1]. M. de Maupertuis, qui est sans contredit l’homme de France qui entend le mieux ces matières, en est content ; et vous m’avouerez que son suffrage est quelque chose. Je sais bien que, malgré la foule des démonstrations que j’ai rassemblées contre les chimères des tourbillons, ce roman philosophique subsistera encore quelque temps dans les vieilles têtes :

Quæ juvenes didicere nolunt perdenda fateri.

(Hor., lib. II, ep. i, v. 83.)
  1. On ne réimprimait ces Éléments qu’à Paris : car les libraires de Hollande (voyez tome XXII, page 398) ajoutèrent aux exemplaires qui leur restaient les morceaux nouveaux de Voltaire.