Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/533

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Je voudrais bien savoir, par exemple, à quel propos un homme qui s’annonce physicien, qui écrit, dit-il, sur la Philosophie de Newton, commence par dire que j’ai fait l’apologie du meurtre de Charles Ier. Quel rapport, s’il vous plaît, de la fin tragique autant qu’injuste de ce roi avec la réfrangibilité et le carré des distances ? Mais où aurais-je donc fait l’apologie de cette injustice exécrable ? Est-ce dans un livre que ce critique me reproche, livre où j’ai démontré qu’on a inséré vingt pages entières qui n’étaient pas de moi, et où tout le reste est altéré et tronqué ? Mais en quel endroit fait-on donc l’apologie prétendue de ce meurtre ? Je viens de consulter le livre où l’on parle de cet assassinat, d’autant plus affreux qu’on emprunta le glaive de la législature pour le commettre. Je trouve qu’on y compare[1] cet attentat avec celui de Ravaillac, avec celui du jacobin Clément, avec le crime, plus énorme encore, du prêtre qui se servit du corps de Jésus-Christ même, dans la communion, pour empoisonner l’empereur Henri VII. Est-ce là justifier le meurtre de Charles Ier ? N’est-ce pas au contraire le trop comparer à de plus grands crimes ?

C’est avec la même justice que ce critique, m’attaquant toujours au lieu de mon ouvrage, prétend que j’ai dit autrefois : « Malebranche non-seulement admit les idées innées, mais il prétendit que nous voyons tout en Dieu. »

Je ne me souviens pas d’avoir jamais écrit cela ; mais j’ai l’équité de croire que celui à qui on le fait dire a eu sans doute une intention toute contraire, et qu’il avait dit : « Malebranche non-seulement n’admit point les idées innées, mais il prétendit que nous voyons tout en Dieu. » En effet, qui peut avoir lu la Recherche de la Vérité, sans avoir principalement remarqué le chap. iv du livre III, de l’Esprit pur, seconde partie ? J’en ai sous les yeux un exemplaire marginé de ma main il y a près de quinze ans. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner cette question ; mon unique but est de faire voir l’injustice des critiques précipitées, de faire rentrer en lui-même un homme qui sans doute se repentira de ses torts quand il les connaîtra, et enfin de faire ressouvenir tous les critiques d’une ancienne vérité qu’ils oublient toujours, c’est qu’une injure n’est pas une raison.

Je n’ai jamais répondu à ceux qui ont voulu, ce qui est très-

  1. Voyez le texte et la note, tome XXII, page 105. Les reproches dont Voltaire se plaint dans sa lettre à Prévost lui avaient été faits par le Père Regnault, auteur de la Lettre d’un physicien.