Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/581

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on parle de tourbillons ; autant en font MM. S’Gravesande et Musschenbroeck ; et ce Musschenbroeck, qui est la naïveté même, et qui aime la vérité avec une candeur d’enfant, dit rondement qu’il croit démontré que l’impulsion ne peut causer la pesanteur.

Je demande maintenant si, depuis le temps que tous ceux dont je parle ont écrit, on a rien imaginé qui pût réhabiliter ces pauvres tourbillons. Quelqu’un a-t-il répondu seulement à ce simple argument-ci : « La même force d’impulsion n’agit point également sur les corps en mouvement et sur les corps en repos ; mais la gravitation agit également sur les corps en mouvement et sur les corps en repos ? » A-t-on répondu à une des objections pressantes que j’ai rassemblées dans mon seizième et dans mon dix-septième chapitre ? Une seule de ces objections, si elle demeure victorieuse, n’anéantit-elle pas les tourbillons, et toutes ensemble ne se prêtent-elles pas une force invincible ?

Vous avez très-grande raison de me dire qu’autrefois on se trompait fort de croire l’horreur du vide, et qu’il fallait au moins attendre, pour imaginer l’horreur du vide, qu’on sût bien positivement que l’air ne faisait point monter l’eau dans les pompes, etc.

J’aurai l’honneur de vous répondre que, si on avait eu des preuves que l’air ne pèse point, et qu’aucun fluide ne pouvait faire monter l’eau, on aurait eu très-grande raison alors de dire que l’eau montait par une loi primitive de la nature.

Or voilà le cas où nous sommes. Nous voyons que l’impulsion, telle que nous la connaissons, ne peut agir sur la nature interne des corps ; qu’elle n’agit point en raison des masses, mais des superficies ; qu’un fluide quelconque, qui emporterait des planètes, ne pourrait faire marcher une comète plus rapidement que les planètes qui se trouveraient dans la même couche du fluide, etc. Tout nous prouve, il le faut avouer, que les planètes qui pèsent sur le soleil n’y pèsent point par l’impulsion d’un tourbillon.

Où est donc le mal de recourir, comme en bien d’autres choses, à la volonté libre, à la puissance infinie du Maître qui a daigné donner à la matière une qualité sans laquelle ce bel ordre de l’univers ne pourrait subsister ?

Si Newton avait dit seulement : Les pierres tombent sur la terre parce qu’elles ont une tendance au centre, et la terre tourne autour du soleil parce qu’elle a une tendance vers le soleil ; si, dis-je, il n’avait donné que de telles explications sans preuve, on aurait raison de crier aux qualités occultes.