Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/584

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le rayon, semblable aux autres solides, pénètre l’eau en choquant, en dérangeant les parties de l’eau dans lesquelles il se plonge, cette eau, cédant comme à un corps solide, doit lui résister huit cents ou neuf cents fois plus que l’air, bien loin d’accroître sa vitesse. L’eau, en ce cas, loin de favoriser la direction verticale, s’y opposera neuf cents fois plus que l’air. Quelle différence prodigieuse entre cet effet et celui d’approcher ce rayon du perpendicule ! Quelle distance énorme entre ce qui est et ce qui, suivant cette hypothèse, semblerait devoir être !

Reste donc que le rayon passe dans un pore, dans une espèce de tuyau non résistant : or, en ce cas, pourquoi s’approchera-t-il du perpendicule ? Je le considère alors comme un cylindre solide que je vois avancer plus rapidement dans un milieu que dans un autre. Mais quelle puissance brise ce cylindre ? Est-ce le plan solide réfringent ? Mais les parties solides de ce plan ne touchent pas à ce cylindre ; dès qu’elles y touchent, il n’y a plus de transparence.

N’est-on pas forcé de conclure qu’il y a un pouvoir, jusqu’ici inconnu, qui agit entre les corps et la lumière ? Et que direz-vous à cette expérience par laquelle on voit rejaillir la lumière de la surface ultérieure d’un prisme, au lieu d’échapper dans l’air ? Et, si vous mettez de l’eau à cette surface ultérieure, la lumière entre dans cette eau, et ne rejaillit plus. Que dites-vous à l’inflexion de la lumière auprès des corps ?

Vous avez déjà été assez touché de Dieu pour accorder que la lumière ne rejaillit pas des surfaces solides : c’est un grand point.

Oserez-vous faire encore quelques actes de foi à la face des incrédules ? Vous voyez le ciel et la terre pleins de tendances, de gravitations réciproques ; je n’ai plus qu’un mot à vous dire sur cela. Ou vous admettez le plein, et, en ce cas, je fais dire des messes ; ou vous admettez le vide, sans lequel il n’y a point de mouvement, et, en ce cas, il faut bien que Jupiter et Saturne agissent l’un sur l’autre, et à distance, tout au travers du vide.

Pardon, deux paroles encore. Le magnétisme, l’électricité, peuvent-ils nuire à l’attraction ? Ne sont-ce pas des choses très-différentes ? Toutes les apparences sont que l’électricité et le magnétisme agissent par des écoulements de matière. Voilà ce qui est dans le royaume de l’impulsion ; mais l’empire de l’attraction non est hinc[1]. Une vague qui frappe contre un rivage peut ramener à soi mille corps qu’elle touche, et le soleil peut graviter

  1. Jean, XVIII, 36.