Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devenir plus essentiel qu’il ne pensait : on vient d’apprendre que Jore fut condamné pour avoir accusé Ferrand d’une contrefaçon dont Jore lui-même était coupable ; c’était lui qui contrefit son propre ouvrage pour le vendre plus cher et pour accuser ce Ferrand ; on a en main les pièces et l’arrêt[1], et il a dans sa famille des exemples bien tristes, qui auraient dû prévenir en lui de pareils délits.

10° La procédure de Jore est autant contre les règles du barreau que sa conduite est contre celles de la probité.

L’original de son exploit d’assignation est à trois jours ; la copie signifiée est à huit jours : par cette mauvaise finesse, une sentence est surprise par défaut avant la huitaine. Sentence radicalement nulle, comme surprise par précipitation avant l’échéance du délai, qui n’expirait à la rigueur que le 17 mai, parce que l’on ne compte ni le jour de l’assignation, ni celui de l’échéance[2].

Jore fait signifier cette sentence le 16 mai, au domicile du défendeur ; et, le 21 du même mois, il fait des saisies-arrêts sur le défendeur : autre nullité essentielle, n’étant pas permis de mettre une sentence par défaut à exécution dans la huitaine de sa signification.

Preuves par écrit que le défendeur ne doit rien.

Ces preuves sont, en premier lieu, deux lettres de Jore au défendeur, des 6 et 14 février 1736.

« J’ai reçu l’honneur de vos lettres, je ne puis assez vous en témoigner ma reconnaissance ; j’ai reçu les dix pistoles dont vous m’avez bien voulu gratifier, et dont je vous remercie ; soyez bien persuadé, que, quand la reconnaissance ne m’engagerait pas, etc. »

En second lieu, certificat de celui qui a compté les dix pistoles à Jore, en présence de témoins.

« Je soussigné certifie que sur les ordres réitérés de M. de Voltaire j’ai donné de son argent cent livres au sieur Jore, par gratification et charité, attendu le besoin où il disait être. — À Paris, ce 1er mai 1736. Signé Demoulin. »

Cette gratification est bien plus forte en faveur du sieur de Voltaire que ne serait une quittance : car une quittance démontrerait seulement que Jore est un créancier de mauvaise foi, et

  1. Il est du 13 juillet 1735.
  2. Articles 6 et 7 du titre 3 de l’ordonnance de 1667.