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1019. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
À Cirey, 12 janvier 1739.

Cher ange gardien, les mortels de Cirey ne feront rien sans vos inspirations. Mon neveu doit venir vous prier de souffler votre esprit sur lui ; vous lui direz s’il est convenable qu’il présente un placet à monsieur le chancelier.

Le jeune Helvétius, qui parait avoir bien de l’esprit et un cœur excellent, vous enverra un petit mémoire qui me paraît absolument nécessaire pour ce pays-ci, pour les étrangers et pour la postérité, si j’ose porter mes vues jusqu’à elle.

Croyez-vous que mes gens d’affaires fissent mal de rechercher l’auteur et l’imprimeur du libelle, et de faire secrètement, chez un commissaire, un procès-verbal qui servira en temps et lieu ? Tout cela est éloigné d’une tragédie ; mais, grâce à vous, nous y reviendrons. N’espérez-vous pas de celle de Linant ?

Adieu. Malgré tous ces orages, j’aime les beaux-arts plus que jamais. Les serpents que je rencontre aux bords de l’Hippocrène ne m’empêchent point de boire. Rien ne me décourage, car Émilie et vous, vous m’aimez. Mille tendres respects à l’autre ange. Mme d’Argental.

Comment vont vos affaires cette année ?


1020. — À MADEMOISELLE QUINAULT.
Cirey, ce 14 janvier.

Thallie, charme du théâtre et de la société, je ne suis pour vous qu’un vieux général hors de service. Mais j’ai des lieutenants généraux qui valent mieux que moi ; et en attendant que vous me forciez quelque jour à reparaître avec les débris de mon camp, M. Linant demande à servir une campagne. Il y a longtemps que j’ai pris la liberté de lui fournir l’idée de sa tragédie ; il doit avoir corrigé la stérilité de mon invention par les ressources de son esprit ; et quand il sera guidé par vos conseils, et appuyé de votre bienveillance, je ne doute pas qu’il ne fasse sous vos drapeaux une campagne heureuse. Je lui envie le bonheur qu’il aura d’entretenir la personne de France qui entend le mieux son art, et celui de plaire.

Soyez persuadée, mademoiselle, de la tendre et respectueuse

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.