Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/135

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Mme du Châtelet et à Mme de Champbonin que vous aviez envoyé à Son Altesse royale le libelle affreux d’un scélérat ; et Mme de Champbonin en était d’autant plus persuadée que vous lui aviez avoué à Paris que vous régaliez ce prince de tout ce qui se fait contre moi, qu’elle vous l’avait reproché, et qu’elle en était encore émue.

Votre silence, pendant que tout le monde m’écrivait, ne m’a point surpris, moi, qui suis accoutumé à des négligences souvent causées par votre peu de santé ; mais il a indigné au dernier point tout ce petit coin de la Champagne, et vous devez à Mme du Châtelet la réparation la plus tendre des idées cruelles que vous lui aviez données. Il est très-sûr qu’un mot de vous dans le Pour et Contre, si vous n’êtes point brouillé avec Prévost, vous eût fait et vous ferait un honneur infini : car rien n’en fait plus qu’une amitié courageuse.

Je ne sais pourquoi vous m’appelez malheureux et homme à plaindre. Je ne le suis assurément point, si vous êtes un ami aussi fidèle et aussi tendre que je le crois. Je suis au contraire très-heureux qu’un scélérat que j’ai sauvé me mette en état de prouver, papiers originaux en main, mes bienfaits et ses crimes ; et je le remercie de m’avoir donné l’occasion de me faire connaître, sans qu’on puisse m’imputer de la vanité. L’exemple de l’abbé Prévost n’est fait pour moi d’aucune sorte. Je souhaite que ceux qui répondront jamais à des libelles suivent mon exemple, et soient en état de me ressembler,

Mme du Châtelet et tous ceux, sans exception, qui ont vu ici votre lettre, en sont si mécontents qu’elle vous la renvoie. C’est à elle seule, à qui elle s’adresse, à savoir si elle doit être contente, et non à ceux qui l’ont, dites-vous, approuvée sans qu’ils sussent ce que Mme du Châtelet, qui est au fait de toutes les branches d’une affaire qu’ils ignorent, avait droit d’exiger de vous. Il n’y a que deux personnes à consulter en telles affaires, soi-même et la personne à qui l’on écrit.

Quant à l’article des souscriptions[1] que j’ai payées de mon argent, quoique la valeur ne soit jamais venue entre mes mains (comme vous savez), c’est une chose dont vous pouvez et devez très-bien vous charger, car je ne crois pas qu’il y ait deux souscripteurs qui n’aient eu ou le livre ou l’argent, et vous pouvez les payer de celui que vous avez à moi : cela est tout simple ; tout le reste est inutile,

  1. Voyez la note de la lettre 1031.