Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/174

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J’embrasse vos intérêts avec chaleur et avec plaisir. La chose est bien juste. Je vous ai toujours connu ennemi de la satire ; vous vous indignez, contre les fripons, vous riez des sots ; je compte en faire tout autant, tout de mon mieux, et je me crois honnête homme. Ce n’est là que juger ; faire part de son jugement à ses amis, c’est médire : la religion le défend, ainsi que le bon sens, et même l’instinct. Ainsi vous m’avez toujours paru éloigné d’un si mauvais penchant ; vos écrits avoués et dignes de vous, et vos discours, m’y ont toujours confirmé. Travaillez en repos, monsieur, vingt-cinq autres ans ; mais faites des vers, malgré votre serment qui est dans la préface de Newton[1]. Avec quelque clarté, quelque beauté, quelque dignité que vous ayez entendu et rendu le système philosophique de cet Anglais, ne méprisez pas pour cela les poëmes, les tragédies, et les épîtres en vers : nous serons toujours éclairés et nourris dans la scène physique ; mais nous ne lirons bientôt plus pour nous amuser, et nous n’irons plus à la Comédie, faute de bons auteurs en vers et en prose.

Adieu, monsieur ; pourquoi allez-vous parler de protection et de respect à un ancien ami, et qui le sera toujours[2] ?


1064. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[3].
Ce lundi (7 ou 8 février 1739).

Mon cher abbé, je vous demande en grâce de faire en sorte que M. Bégon tienne toutes ses batteries prêtes, pour entamer les procédures.

Informez-vous de M. Pageau si, en me plaignant seulement du Mémoire, je pourrais obtenir qu’il fût brûlé.

Je vous embrasse tendrement.

Je vous recommande le désaveu des avocats. J’obéis à M. d’Argental ; mais, au nom de Dieu, que tout soit prêt pour assigner Chaubert. Écrivez à M. d’Argental pour savoir quel mal il y aurait à le mettre en cause, ce Chaubert seul.

Je prie monsieur votre frère de me chercher, et de m’envoyer la Déification d’Aristarchus, petit ouvrage joint au chef-d’œuvre d’un inconnu.

  1. Ce que le marquis d’Argenson appelle la Préface de Newton est l’épître à Mme  du Châtelet (voyez tome X, page 299), qui était en tête des Éléments de la Philosophie de Newton, et dans laquelle on lit :

    Je quitte Melpomène et les jeux du théâtre,
    Ces combats, ces lauriers, dont je fus idolâtre ;
    De ces triomphes vains mon cœur n’est plus touché.

  2. La fin de cette lettre prouve qu’elle est une réponse à une lettre de Voltaire, qui est perdue.
  3. Édition Courtat.