Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

miel dans ce calice ? Nous sommes bien éloignés, mais l’amitié rapproche tout. M. de Lézeau me doit environ mille écus, accommodez-vous-en sans façon ; je vous ferai le transport, envoyez-moi le modèle. Si j’avais plus, je vous offrirais plus.

Mèrope est trop heureuse. Puisse-t-elle vous amuser ! J’aime mieux qu’un ami en ait les prémices que de les donner au parterre.

Je suis accablé de maladies, de calomnies, de chagrins ; mais enfin je vis dans le sein de l’amitié, loin des hommes cruels, envieux et trompeurs. Cideville, mon cher Cideville m’aime toujours ; je suis consolé.

Pardon de vous dire si peu de choses ; mon cœur est plein, et je voudrais le répandre avec vous ; je voudrais passer un jour entier à vous écrire ; mais les affaires, les travaux, m’emportent ; je n’ai pas un moment, et l’homme du monde qui vous aime le mieux est celui qui vous écrit le moins. L’adorable Émilie vous fait mille compliments.


1085. — À M. DEVAUX[1].

Je vous ai aimé depuis que je vous ai connu, monsieur, et vos mœurs aimables m’ont charmé pour le moins autant que vos talents. Je reconnais les bontés pleines d’attention de Mme de Graffigny au soin qu’elle a eu de vous envoyer une lettre que je reçus de Mme de Bernières il y a quelque temps. Cette lettre détruisait, en effet, les calomnies infâmes que le malheureux abbé Desfontaines avait vomies contre moi, La justice s’est mêlée du soin de le punir, et le lieutenant de police procède actuellement contre lui. Je crois bien qu’il sera difficile de le convaincre, et qu’il échappera à la rigueur des lois ; mais il essuiera le châtiment que le public prononce toujours contre les ingrats et contre les calomniateurs : ce châtiment, c’est l’exécration où il est ; et, quelque abîmé qu’on soit dans le crime, on est toujours

  1. Devaux, cité plus haut comme lecteur du roi de Pologne Stanislas, lettre 1018, dans la note relative à Mme de Graffigny, son amie d’enfance, naquit à Lunéville et fut membre de l’académie de Nancy. On a de lui une comédie en un acte, en prose, jouée au Théâtre-Français en 1752, sous le titre de : les Engagements indiscrets. Il avait reçu, étant jeune, le surnom de Panpan, et c’est ainsi que l’appelle souvent Mme de Graffigny dans ses lettres. Voltaire lui donne le même surnom de société dans quelques lettres de 1750 et de 1751 ; et c’est aussi de cette manière que Devaux est désigné dans plusieurs petites pièces du chevalier de Boufflers.