Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/205

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vingt ans sans que jamais je lui en aie donné le moindre sujet, ni même que j’aie proféré la moindre plainte. Depuis la satire qu’il fit contre moi, au sujet d’Œdipe, il n’a cessé de m’accabler d’injures dans le Journal littéraire et dans tous ceux où il a eu part. Étant à Londres, il publia une brochure contre moi. Je sais que tout cela est ignoré du public ; mais un outrage sanglant[1], imprimé à la suite de la plaisanterie du Mathanasius (que S’Gravesande, Sallengre, et autres, ont fait de concert avec tant de succès) ; un outrage, dis-je, de cette nature, attribué au sieur de Saint-Hyacinthe, est une injure d’autant plus cruelle qu’elle est plus durable.

Encore une fois, je défie M. de Saint-Hyacinthe de citer un mot que j’aie jamais prononcé contre lui. On m’a envoyé de Hollande et d’Angleterre des mémoires aussi terribles qu’authentiques dont je n’ai fait ni ne ferai aucun usage. Pour peu que vous soyez instruit de ses procédés publics dans ces pays, vous sentirez que j’ai en main ma vengeance. Les héritiers de Mme  Lambert ne se sont pas tus, et j’ai des lettres des personnes les plus respectables et de la plus haute considération qui, après avoir assisté souvent M. de Saint-Hyacinthe, l’ont reconnu, et ont fait succéder la plus violente indignation à leurs bontés. J’oppose donc, monsieur, la plus longue et la plus discrète patience aux affronts les plus répétés et les plus impardonnables. Malheureusement j’ai des parents qui prennent cette affaire à cœur, et je ne cherche qu’à prévenir un éclat : c’est dans ce principe que je vous ai déjà écrit, et à monsieur votre frère[2], et même à M. de Saint-Hyacinthe. Je n’ai point obtenu, il s’en faut beaucoup, la satisfaction nécessaire à un honnête homme. Il est bien étrange et bien cruel que M. de Saint-Hyacinthe veuille partager l’opprobre et les fureurs de l’abbé Desfontaines, contre lequel la justice procède actuellement. Que lui coûterait-il de réparer tant d’injustices par un mot ? Je ne lui demande qu’un désaveu. Je suis content s’il dit qu’il ne m’a point eu en vue[3] ; que tout ce qu’avance l’abbé Desfontaines est calomnieux ; qu’il pense de moi tout le contraire de ce qui est avancé dans le libelle en question : en un mot, je me tiens outragé de la manière la plus cruelle par Saint-Hyacinthe, que je n’ai jamais offensé, et je demande

  1. Voyez une note de la lettre 1069.
  2. Voyez les lettres 1049 et 1054.
  3. Saint-Hjacinthe adressa, le 2 mai suivant, à Burigny, une lettre (n° 1150) où il dit que la Déification était un ouvrage d’imagination ; mais Burigny raconte qu’il s’est toujours refusé à désavouer cet opuscule, comme le desirait Voltaire. (B.)