Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/220

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ce que je vous destine[1] et à la marquise. Tout est emballé ; agissez rondement, et mandez-moi, comme je le souhaite, ce que vous trouvez de plus expédient.

La marquise me demande si j’ai reçu l’extrait de Newton, qu’elle a fait. J’ai oublié de lui répondre sur cet article. Dites-lui, je vous prie, que Thieriot me l’avait envoyé, et qu’il m’a charmé comme tout ce qui vient d’elle. En vérité elle en fait trop ; elle veut nous dérober à nous autres hommes tous les avantages dont notre sexe est privilégié. Je tremble que, si elle se mêle de commander des armées, elle ne fasse rougir les cendres des Condé et des Turenne. Opposez-vous à des progrès qui nous en font encore envisager d’autres dans l’éloignement, et faites du moins qu’une sorte de gloire nous reste.

Césarion, qui me tient compagnie, vous assure mille fois de son amitié ; il ne se passe point de jour que nous ne nous entretenions sur votre sujet.

Je suis rempli de projets ; pour peu que ma santé revienne, vous serez inondé de mes ouvrages, à Cirey, comme le fut l’Italie par l’invasion des Goths. Je vous prie d’être toujours mon juge, et non pas mon panégyriste. Je suis avec l’estime la plus fervente, mon cher ami, votre très-fidèlement affectionné ami.

Fédéric

1104. — AU PRINCE ANTIOCHUS CANTEMIR[2].

Monseigneur, j’ai à Votre Altesse bien des obligations. Elle daigne me faire connaître plus d’une vérité dont j’étais assez mal informé, et elle m’instruit d’une manière pleine de bonté, qui vaut bien autant que la vérité même. Je lis actuellement l’Histoire ottomane de feu M. le prince Cantemir, votre père, que j’aurai l’honneur de vous renvoyer incessamment, et dont je ne puis trop remercier Votre Altesse[3]. Vous me pardonnerez, s’il vous plaît, d’avoir été trompé sur votre origine. La multiplicité des talents de monsieur le prince votre père, et des vôtres, m’avait fait penser que vous deviez descendre des anciens Grecs, et je vous aurais soupçonné de la race de Périclès plutôt que de celle de Tamerlan[4]. Quoi qu’il en soit, ayant toujours fait profession de rendre hommage au mérite personnel plus qu’à la naissance.

  1. Du vin de Hongrie, et quelques bagatelles d’ambre.
  2. Lettre publiée d’après l’original de la Biblioîhèque impériale de Pétersbourg, par J.-Edouard Gardet. Bulletin du Bibliophile, 1860. 14e série, page 1120.
  3. Dans une lettre adressée à M. de La Noue, et datée de Cirey le 3 avril 1739, Voltaire dit : « L’Histoire de Charles XII m’a mis dans la nécessité de lire quelques ouvrages historiques concernant les Turcs. J’ai lu, entre autres, depuis peu, l’Histoire ottomane du prince Cantemir, etc., etc.
  4. Voyez tome XVI, pages 273 et 521.