Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/292

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revenons du château de Ham, château moins orné que celui de Cirey, et où l’on trouve moins de bains et de cabinets bleu et or ; mais il est logeable, et il y a de belles avenues. C’est une assez agréable situation ; mais fût-ce l’empire du Catai, rien ne vaut Cirey. Mme  du Châtelet travaille à force à ses affaires. Si le succès dépend de son esprit et de son travail, elle sera fort riche ; mais malheureusement tout cela dépend de gens qui n’ont pas autant d’esprit qu’elle. Mon cher gros chat, je baise mille fois vos pattes de velours. Adieu, ma chère amie.


1166. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON.
À Beringen, ce 4 juin

Je reçois la lettre dont Votre Excellence m’honore, du 28 mai. Je ne savais pas un mot de ce que vous avez vu[1] dans la gazette d’Amsterdam. Nous sommes ici, monsieur, dans un pays barbare, ou, du moins, qui l’a toujours été jusqu’à ce qu’Émilie en soit devenue la souveraine. La gazette de Hollande n’y est pas même connue. Si vous pouviez donc, monsieur, faire entendre à M. Hérault que je n’ai aucune part à la publication du désaveu, que je m’en suis toujours tenu à ses bontés, que j’ai supprimé même tout ce que j’avais fait en ma défense, et que j’espère encore plus que jamais qu’il forcera l’abbé Desfontaines à publier son désaveu dans ses Observations, vous achèveriez bien dignement cette négociation.

Il est vrai que Rousseau ayant fait, le 10 mai, un voyage à Amsterdam, exprès pour y faire imprimer le libelle de Desfontaines, le gazetier de Hollande m’a rendu un très-grand service en donnant ce contre-poison ; mais, encore une fois, je n’ai appris ce service que par vous.

Puisque vous aimez les odes,

et præsidium, et dulce decus meum !

(Hor., liv. I, od. i, v. 2.)

vous en aurez donc. Mandez-moi seulement si vous avez l’ode sur la Superstition[2], celle sur l’Ingratitude, celle sur le Voyage des Académiciens. Mais, je vous en prie, n’allez pas préférer une déclamation vague, d’une centaine de vers, à une tragédie dans

  1. Le désaveu de l’abbé Desfontaines ; voyez le n° 1128.
  2. C’est-à-dire l’Ode sur le Fanatisme. Les deux autres, que cite ici Voltaire, sont les odes vi et viii.