Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/300

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censoir ; je vais me féliciter d’avoir toujours pensé que le gouvernement féodal était un gouvernement de barbares et de sauvages un peu à leur aise ; encore les sauvages aiment-ils l’égalité.

Il ne faut que des yeux pour voir que les villes gouvernées municipalement sont riches, et que la Pologne n’a que des bourgades pauvres. Je suis fâché de ne pouvoir me louer sur les pensionnaires perpétuels ; mais, en vérité, cette idée m’a charmé, comme si elle était de moi. Il me semble que vous avez éclairci, dans un système très-bien suivi, les idées confuses et les souhaits sincères de tout bon citoyen. En mon particulier, je vous remercie des belles choses que vous dites sur la vénalité des charges : malheureuse invention qui a ôté l’émulation aux citoyens, et qui a privé les rois de la plus belle prérogative du trône.

Comme j’avais peu de bien quand j’entrai dans le monde, j’eus l’insolence de penser que j’aurais une charge comme un autre, s’il avait fallu l’acquérir par le travail et par la bonne volonté. Je me jetai du côté des beaux-arts, qui portent toujours avec eux un certain air d’avilissement, attendu qu’ils ne donnent point d’exemptions, et qu’ils ne font point un homme conseiller du roi en ses conseils. On est maître des requêtes avec de l’argent ; mais avec de l’argent on ne fait pas un poëme épique, et j’en fis un.

Grand merci encore de ce que l’indigne éloge donné à cette vénalité, dans le Testament politique attribué au cardinal de Richelieu, vous a fait penser que ce testament n’était point de ce ministre. Je crois, en dépit de toute l’Académie française, que cet ouvrage fut fait par l’abbé de Bourzeis, dont j’ai cru reconnaître le style.

Il y a de plus des contradictions évidentes dans ce livre, lesquelles ne peuvent être attribuées au cardinal de Richelieu ; des idées, des projets, des expressions indignes, ce me semble, d’un ministre. Croira-t-on que le cardinal de Richelieu ait appelé la dame d’honneur de la reine la Dufargis, en parlant au roi ? qu’il ait appelé le duc de Savoie ce pauvre prince ? qu’il ait, dans un tel ouvrage, parlé à un roi de quarante-deux ans comme on apprend le catéchisme à un enfant ? qu’un ministre ait nommé les rentes à sept pour cent les rentes au dénier sept ?

Tout l’écrit fourmille de ces manques de bienséance, ou de fautes grossières. On trouve, dans un chapitre, que le roi n’avait que trente-trois millions de revenu ; on trouve tout autre chose