Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/340

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éloignés des charges. Qu’on me dise là-dessus tout ce qu’on voudra, on ne pourra jamais m’alléguer une bonne raison de cette bizarrerie des destins.

Je suis fâché que ma destinée ne m’ait point placé de manière que je puisse vous entretenir tous les jours, que je puisse bégayer quelques mots de physique à Mme la marquise du Châtelet, et que le pays des arts et des sciences ne soit pas ma patrie. Peut-être que ce petit mécontentement de la Providence a causé mes plaintes, peut-être que mes doutes se montrent avec trop de témérité ; mais je ne pense point cependant que ce soit tout à fait sans raison.

Dites, je vous prie, à la belle Émilie que j’étudierai, cet hiver, cette partie de la philosophie qu’elle protège, et que je la prie d’échauffer mon esprit d’un rayon de son génie.

Ne m’oubliez point, mon cher Voltaire ; que les charmes de Paris, vos amis, les sciences, les plaisirs, les belles, n’effacent point de votre mémoire une personne qui devrait y être conservée à perpétuité. Je crois y mériter une place par l’estime et l’amitié avec laquelle je suis à jamais, mon cher Voltaire, votre très-parfait ami,

Fédéric.

1198. — À M. HELVÉTIUS[1].
Septembre.

J’ai trop de remerciements, trop de compliments à vous faire, trop d’éloges à vous donner, mon charmant ami, pour vous écrire. Il faut que je vous voie ; il faut que je vous embrasse. On dit que vous venez à Paris, et que peut-être ma lettre ne vous trouvera pas à Montbard. Si vous y êtes encore, tâchez de quitter M. de Buffon, si cela se peut. Je sens combien il vous en coûtera à tous deux.

Mme du Châtelet vous désire avec la même vivacité que moi. J’ai vu M. de Montmirel ; je n’ai rien vu ici de plus aimable que lui et ce qu’il m’a apporté. Faites souvenir de moi le très-philosophe M. de Buffon, à qui je suis bien véritablement attaché. Adieu, je vous embrasse de tout mon cœur. Venez, l’espérance et le modèle des philosophes et des poètes,


1199. — À M. L’ABBÉ DU RESNEL[2].

Je suis aux ordres de la beauté et de l’esprit, et je profilerai, quand Mme Dupin voudra, des bontés dont elle veut bien m’ho-

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. Cette lettre a été, à tort, classée par eux en septembre 1741.
  2. L’autographe de cette lettre n’est ni daté ni signe. Mme Dupin, qui y est