Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/373

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paraît que le bon goût ainsi que le vieux cardinal sont tombés en enfance. Milord Chesterfield disait que, l’année 25, le monde était devenu fou ; je crois qu’en l’année 40 il faudra le mettre aux petites-maisons. Après les persécutions et les chagrins que l’on vous suscite, il n’est plus permis à personne d’écrire : tout sera donc criminel, tout sera donc condamnable ; il n’y aura plus d’innocence, plus de liberté pour les auteurs. Je vous prie cependant, par tout le crédit que j’ai sur vous, par la divine Émilie, d’achever, pour l’amour de votre gloire, l’histoire incomparable dont vous m’avez confié le commencement.

Laisse glapir tes envieux,
Laisse fulminer le saint-père,
Ce vieux fantôme imaginaire,
Idole de nos bons aïeux,
Et qui des intérêts des cieux
Se dit ici-bas le vicaire,
Mais qu’on ne respecte plus guère ;
Laisse en propos injurieux,
Dans leur humeur atrabilaire,
Hurler les bigots furieux ;
Méprise la folle colère
De l’héritier octogénaire
Des Mazarins, des Richelieux,
De ce doyen machiavéliste.
De ce tuteur ambitieux.
Dans ses discours adroit sophiste,
Qui suit l’intérêt à la piste
Par des détours fallacieux.
Et qui. par l’artifice, pense
De s’emparer de la balance
Que soutinrent ces fiers Anglais
Qui, pour tenir l’Europe libre,
Ont maintenu dans l’équilibre
L’Autrichien et le Français.
Écris, honore ta patrie
Sans bassesse et sans flatterie.
En dépit des fougueux accès
De ce vieux prélat en furie,
Que l’ignorance et la folie
Animent contre tes succès.

Qu’imposant silence aux miracles[1],
Louis détruise les erreurs ;
Qu’il abolisse les spectacles
Qu’à Saint-Médard des imposteurs
Présentent à leurs sectateurs ;
Mais qu’il n’oppose point d’obstacles
À ces esprits supérieurs.
De l’univers législateurs,
Dont les écrits sont les oracles

  1. Voyez tome XVÎ, pages 77-92 ; et tome XVIII, page 268.