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Du théâtre pontifical
J’ai raillé la comique scène ;
C’est un crime bien capital,
Qui longue pénitence entraîne.

Le fait est pourtant que personne n’a parlé de Rome[1] avec plus de ménagement. Apparemment qu’il n’en fallait point parler du tout. Il y a dans tout cette persécution un excès de ridicule et de radotage, qui fait que j’en ris au lieu de m’en plaindre.

Quand je vois, d’un côté, la cacade devant Dantzick[2], l’incertitude dans mille démarches, une guerre heureuse par hasard, entreprise malgré soi, et à laquelle on a été forcé par la reine d’Espagne, la marine négligée pendant dix ans, les rentes viagères abolies et volées malgré la foi publique ; et que, de l’autre je vois le salon d’Hercule, que le bonhomme regarde comme son apothéose, je m’écrie :

Le bon Hercule de Fleury,
Petit prêtre nonagénaire,
En Hercule s’est fait portraire,
De quoi chacun est ébahi :
Car on sait que le fils d’Alcmène
Près de sa maîtresse fila ;
Mais jamais il ne radota
Que sur les rives de la Seine.

Je sais bien que par tout pays on voit de pareilles misères, et même de plus grandes ; je sais bien que se tenir chez soi tranquillement, et mettre en prison ses généraux qui ont fait ce qu’ils ont pu, et ses plénipotentiaires qui ont fait une paix nécessaire et ordonnée ; je sais bien, dis-je, que cela ne vaut pas mieux[3]. Tutto ’l mondo è fatto come la nostra famiglia. Je conclus que, puisque le monde est ainsi gouverné, il faut que l’Anti-Machiavel paraisse ; il faut un Hippocrate en temps de peste. J’ai le chapitre xxiii ; mais je n’ai pas le chapitre xxii, et Votre Altesse royale n’a pas apparemment encore travaillé au chapitre xxiv. Je ne sais si elle dira quelques petits mots sur le projet de cacciare i barbari d’Italia ; il me semble qu’il y a actuellement tant d’honnêtes étrangers en Italie qu’il paraîtrait assez incivil de les vou-

  1. Dans le chapitre ii du Siècle de Louis XIV.
  2. Voyez, tome XV, le chapitre iv du Précis du Siècle de Louis XV ; et la lettre à Richelieu, du 8 juin 1772.
  3. Allusion à la conduite de l’empereur Charles VI avec les comtes de Seckendorff et de Neipperg.