Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/427

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mon tribut à celui qui m’enrichit toujours. L’Èpître à M. de Maurepas, l’un de nos secrétaires d’État, est bien pour Votre Altesse royale autant que pour lui : car il me semble que c’est bien là le goût de Votre Altesse royale de protéger également tous les arts, et je suis bien sûr que si quelqu’un avait fait le livre édifiant de Marie Alacoque, vous ne lui donneriez point l’archevêché de Sens[1] pour récompense, avec cent mille livres de rente, taudis qu’on laisse dans la misère des hommes de vrais talents.

Je ne sais si Votre Altesse royale aura reçu certaine écritoire envoyée à Wesel par la poste, cachetée aux armes de la princesse de La Tour, et adressée à M. le général Borcke, ou au commandant de Wesel, pour faire tenir en diligence. Votre Altesse royale m’a envoyé de quoi boire, et moi je prends la liberté d’envoyer de quoi écrire.

Donner un cornet pour du vin
N’est pas grande reconnaissance ;
Mais ce cornet fera, je pense,
Éclore quelque œuvre divin
Qui vaudra tous les vins de France.

Je me flatte que Votre Altesse royale me pardonne ces excessives libertés. J’attends ses derniers ordres sur la réfutation du docteur[2] des ministres ; il y a très-peu de choses à réformer, et je crois toujours qu’il est avantageux pour le genre humain que cet antidote soit public.

Je fais transcrire mon petit exposé de la métaphysique de Newton et de Leibnitz. Le paquet sera gros ; puis-je l’adresser à Wesel ? J’attends vos ordres, auxquels je me conformerai toute ma vie, car vous savez que Minerve, Apollon et la Vertu, m’ont fait votre sujet. Mme du Châtelet aura l’honneur d’envoyer à Votre Altesse royale quelque chose qui la dédommagera de l’ennui que je pourrai lui causer. Je suis, etc.


1265. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Berlin, 15 avril.

Mon cher Voltaire, votre Dévote est venue le plus à propos du monde. Elle est charmante, les caractères bien soutenus, l’intrigue bien

  1. Voyez tome XVII, page 7.
  2. Machiavel, que Voltaire appelle docteur du crime, dans sa lettre 1212.