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Je n’ai point ici les ouvrages de Boileau ; mais je me souviens qu’il traduisit, en deux vers[1], le vers d’Horace :

Tantalus a labris sitiens fugientia captât
Flumina
.

(Lib. I, sat. i, v. 68.)

Vous, le Boileau des princes, vous le traduisez en un seul[2] : eh, tant mieux ! cela en est bien plus fort et plus énergique. J’aime à vous voir imperatoriam gravitatem.

Ce n’est pas là le style qu’en général on reproche aux Allemands. Or, à présent que j’ai eu l’honneur de vous prouver en passant que vous aviez ce petit avantage sur Boileau, il n’est plus surprenant que je vous dise, monseigneur, en toute humilité, qu’il y a dans votre épître plusieurs vers que je serais bien glorieux d’avoir faits. Votre Altesse royale entend l’art de s’exprimer autant que celui d’être heureux dans toutes les situations. On dit ici Sa Majesté entièrement rétablie. Les vœux de votre cœur vertueux sont exaucés.

Vous direz toujours comme Horace :

Nave ferar magna an parva, ferar unus et idem.

(Lib. II, ep. ii, v. 200.)

Les plaisirs, l’amitié, l’étude,
Vous suivront dans la solitude.
Du haut du mont Rémus vous instruirez les rois ;
Le véritable trône est partout où vous êtes.
Les arts et les vertus, dans vos douces retraites.
Parlent par votre bouche, et nous donnent des lois ;
Vous régnez sur les cœurs, et surtout sur vous-même.
Faut-il à votre front un autre diadème ?
À la laide coquette il faut des ornements,
À tout petit esprit, des dignités, des places ;
Le nain monte sur des échasses ;
Que de nains couronnés paraissent des géants !
Du nom de héros on les nomme ;
Le sot s’en éblouit, l’ambitieux les sert,
Le sage les évite, il n’aime qu’un grand homme ;
Ce grand homme est à Remusberg.

  1. C’est en trois vers que Boileau (voyez les variantes de sa satire iv) avait traduit le vers d’Horace ; mais il les supprima sur la critique de Desmarets, à qui l’on doit la traduction de ce vers, citée dans la lettre 778, tome XXXIV, page 315.
  2. Dans l’Épitre sur la Gloire et sur l’Intérêt, Frédéric a dit :
    Mais, semblable à Tantale,
    L’onde en vain se présente à sa lèvre fatale.