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nous produirons un chef-d’œuvre digne de la matière qu’il doit présenter au public[1].

Je serai votre renommée ;
Ma main, de sa trompette armée,
Publiera dans tout l’univers
Vos vertus, vos talents, vos vers.

Je crains que vous ne me trouviez aujourd’hui, sinon le plus importun au moins le plus bavard des princes. C’est un des petits défauts de ma nation que la longueur ; on ne s’en corrige pas si vite. Je vous en demande excuse, mon cher Voltaire, pour moi et pour mes compatriotes. Je suis cependant plus excusable qu’eux, car j’ai tant de plaisir à m’entretenir avec vous que les heures me paraissent des moments. Si vous voulez que mes lettres soient plus courtes, soyez moins aimable, ou, selon le paragraphe xii de Leibnitz, cela implique contradiction : donc, etc.

Aimez-moi toujours un peu, car je suis jaloux de votre estime, et soyez bien persuadé que vous ne pouvez faire moins sans beaucoup d’ingratitude pour celui qui est avec admiration votre très-fidèle ami,

Fédéric.

1275. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
à paris.
À Bruxelles, le 21 mai.

Les petits hommages que je vous dois, monsieur, depuis longtemps, sont partis par le coche, comme Scudéry, pour aller en cour[2] ; ce sont quatre volumes de mes rêveries imprimées à Amsterdam, Les fautes des éditeurs se trouvaient en fort grand nombre avec les miennes. J’ai corrigé tout ce que j’ai pu[3], et il s’en faut beaucoup que j’en aie corrigé assez. Si je croyais que cela pût vous amuser quelques moments, je me croirais bien payé de mes peines.

Je ne connais et ne veux d’autre récompense que de plaire au

  1. Frédéric, étant monté sur le trône le 31 mai 1740, ne s’occupa plus de cette édition de la Henriade.
  2. Voltaire rappelle ces vers du Voyage de Bachaumont et Chapelle, sur Scudéry :
    Le gouverneur de cette roche
    Retournant en cour par le coche.
  3. Cet exemplaire est aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Arsenal, sous le n° 20,706. Il était inscrit au catalogue du duc de La Vallière, sous le n° 17,874, de la deuxième partie. Je possède un exemplaire de la même édition ayant appartenu au président Hénault, et contenant, de la même main, les corrections qui sont sur l’exemplaire de la Bibliothèque de l’Arsenal, et plusieurs qui n’y sont pas. (R.)