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1281. — À M. VAN DUREN[1].
À Bruxelles, rue de la Grosse-Tour, le 1er juin.

Vous m’avez envoyé, monsieur, les vers latins de quelques gens de l’Académie française, chose dont je suis peu curieux, et vous ne m’avez point envoyé la Chimie de Stahl, dont j’ai un très-grand besoin. Je vous prie instamment de me la faire tenir par la même voie que vous avez prise pour le premier ballot.

J’ai en main un manuscrit singulier, composé par un des hommes les plus considérables de l’Europe : c’est une espèce de réfutation du Prince de Machiavel, chapitre par chapitre. L’ouvrage est nourri de faits intéressants et de réflexions hardies qui piquent la curiosité du lecteur, et qui font le profit du libraire. Je suis chargé d’y retoucher quelque petite chose, et de le faire imprimer. J’enverrais l’exemplaire que j’ai entre les mains, à condition que vous le ferez copier à Bruxelles, et que vous me renverrez mon manuscrit ; j’y joindrais une Préface, et je ne demanderais d’autre condition que de le bien imprimer, et d’en envoyer deux douzaines d’exemplaires, magnifiquement reliés en maroquin, à la cour d’Allemagne qui vous serait indiquée. Vous m’en feriez tenir aussi deux douzaines en veau. Mais je voudrais que le Machiavel, soit en italien, soit en français, fût imprimé à côté de la réfutation, le tout en beaux caractères, et avec grande marge.

J’apprends, dans le moment, qu’il y a trois petits livres imprimés contre le Prince de Machiavel. Le premier est l’Anti-Machiavel ; le second, Discours d’Estat contre Machiavel ; le troisième, Fragment contre Machiavel.

Il s’agirait à présent, monsieur, de chercher ces trois livres ; et, si vous pouvez les trouver, ayez la bonté de me les faire tenir. Vous pouvez trouver des occasions ; en tout cas, la barque s’en chargera. Si ces brochures ne se trouvent point, on s’en

  1. Van Duren était libraire à la Haye. Ce fut lui qui, le premier, imprima l’Anti-Machiavel de Frédéric ; voyez tome XXIII, page 147.

    Prosper Marchand rapporte que Voltaire, pendant son séjour à Bruxelles, ayant vu par hasard le nom de Van Duren, se sentit déterminé à lui envoyer, en pur don, le manuscrit de l’Anti-Machiavel ; mais Voltaire se repentit bientôt de sa générosité : voyez la lettre 1318. Il revit ce libraire en 1753 : voyez une note de la lettre 1292.