Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/462

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sa bienveillance. Vous voulez bien que je lui écrive[1] pour lui faire mon compliment sur la mort du feu roi, et sur l’avènement du prince royal à la couronne.

Plus le nouveau roi de Prusse a de mérite, plus il doit sentir celui de monsieur votre frère. J’ai l’honneur d’être, avec l’estime la plus respectueuse, et bien de l’envie de mériter votre amitié, etc.

Voltaire.

1289. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
12 juin.

Mon adorable ami, vous savez que je n’ai jamais espéré un succès brillant de Zulime. Je vous ai toujours mandé que la mort du père tuerait la pièce ; et la véritable raison, à mon gré, c’est qu’alors l’intérêt change ; cela fait une pièce double. Le cœur n’aime point à se voir dérouté, et, quand une fois il est plein d’un sentiment qu’on lui a inspiré, il rebute tout ce qui se présente à la traverse : d’ailleurs, les passions qui régnent dans Zulime ne sont point assez neuves. Le public, qui a vu déjà les mêmes choses sous d’autres noms, n’y trouve point cet attrait invincible que la nouveauté porte avec soi. Que vous êtes charmants, vous et Mme d’Argental ! que vous êtes au-dessus de mes ouvrages ! Mais aussi je vous aime plus que tous mes vers.

Je vous supplie de faire au plus tôt cesser pour jamais les représentations[2] de Zulime sur quelque honnête prétexte. Je vous avoue que je n’ai jamais mis mes complaisances que dans Mahomet et Mérope. J’aime les choses d’une espèce toute neuve. Je n’attends qu’une occasion de vous envoyer la dernière leçon de Mahomet ; et, si vous n’êtes pas content, vous me ferez recommencer. Vous m’enverrez vos idées, je tâcherai de les mettre en œuvre. Je ne puis mieux faire que d’être inspiré par vous.

Voulez-vous, avant votre départ, une seconde dose de Mérope ? Je suis comme les chercheurs de pierre philosophale : ils n’accusent jamais que leurs opérations, et ils croient que l’art est infaillible. Je crois Mérope un très-beau sujet, et je n’accuse que moi. J’en ai fait trois nouveaux actes ; cela vous amuserait-il ?

En attendant, voici une façon d’ode[3] que je viens de faire pour mon cher roi de Prusse. De quelle épithète je me sers là

  1. Cette lettre, de même que plusieurs autres, a été égarée.
  2. La première eut lieu le 9 juin.
  3. Voyez tome VIII, ode x.