Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/479

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le vin de Hongrie. Je vous paye très-matériellement de tout l’esprit que vous me prodiguez ; mais, mon cher Voltaire, consolez-vous, car, dans tout l’univers, vous ne trouveriez assurément personne qui voulut faire assaut d’esprit avec vous. S’il s’agit d’amitié, je le dispute à tout autre, et je vous assure qu’on ne saurait vous aimer ni vous estimer plus que vous l’êtes de moi. Adieu.

Fédéric.

Pour Dieu, achetez toute l’édition de l’Anti-Machiavel[1].


1304. — À M. DE CIDEVILLE.
À Bruxelles, ce 28 de juin.

Eh bien ! mon cher ami, avez-vous reçu le paquet T[2] ? C’est M. Helvétius, un de nos confrères en Apollon, quoique fermier général, qui s’est chargé de le faire mettre au coche de Reims, recommandé à Paris pour Rouen. Si les soins d’un fermier général et l’adresse d’un premier président ne suffisent pas, à qui faudra-t-il avoir recours ? Vous deviez trouver dans cette édition beaucoup de corrections à la main, deux cents vers nouveaux dans la Henriade, quelques pièces fugitives qui n’étaient pas dans les autres éditions ; mais, surtout, les fautes énormes de l’éditeur réformées tant que je l’ai pu.

Je ne vous ai point envoyé Zulime, que les comédiens de Paris ont représentée presque malgré moi, et qui n’est pas digne de vous. Si j’avais de la vanité, je vous dirais qu’elle n’est pas digne de moi ; du moins je crois pouvoir mieux faire, et qu’en effet Mahomet vaut mieux. Vous jugerez si j’ai bien peint les fourbes et les fanatiques.

En attendant, voyez, mon cher ami, si vous êtes un peu content de la petite odelette pour notre souverain le roi de Prusse. Je l’appelle notre souverain, parce qu’il aime, qu’il cultive, qu’il encourage les arts que nous aimons. Il écrit en français beaucoup mieux que plusieurs de nos académiciens, et quelquefois, dans ses lettres, il laisse échapper de petits sixains ou dizains que peut-être ne désavoueriez-vous pas. Sa passion dominante est de rendre les hommes heureux, et de faire fleurir chez lui les belles-lettres. Me serait-il permis de vous dire que, dès qu’il a été sur le trône, il m’a écrit ces propres paroles[3] : « Pour Dieu, ne

  1. Ce post-scriptum, tiré des Œuvres posthumes, a été omis par Beuchot.
  2. Voyez plus haut la lettre 1272.
  3. Voyez la lettre 1286.