Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome35.djvu/534

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Si, après avoir confronté l’une et l’autre, Votre Majesté me trouve trop sévère, si elle veut conserver quelques traits retranchés ou en ajouter d’autres, elle n’a qu’à dire ; comme je compte acheter la moitié de la nouvelle édition de Paupie pour en faire des présents, et que Paupie a déjà vendu, par avance, l’autre moitié à ses correspondants, j’en ferai commencer, dans quinze jours, une édition plus correcte, et qui sera conforme à vos intentions. Il serait surtout nécessaire de savoir bientôt à quoi Votre Majesté se déterminera, afin de diriger ceux qui traduisent l’ouvrage en anglais et en italien. C’est ici un monument pour la dernière postérité, le seul livre digne d’un roi, depuis quinze cents ans. Il s’agit de votre gloire ; je l’aime autant que votre personne. Donnez-moi donc, sire, des ordres précis.

Si Votre Majesté ne trouve pas assez encore que l’édition de Van Duren soit étouffée par la nouvelle, si elle veut qu’on retire le plus qu’on pourra d’exemplaires de celle de Van Duren, elle n’a qu’à ordonner. J’en ferai retirer autant que je pourrai, sans affectation, dans les pays étrangers, car il a commencé à débiter son édition dans les autres pays : c’est une de ces fourberies à laquelle on ne pouvait remédier. Je suis obligé de soutenir ici un procès contre lui ; l’intention du scélérat était d’être seul le maître de la première et de la seconde édition. Il voulait imprimer et le manuscrit que j’ai tenté de retirer de ses mains, et celui même que j’ai corrigé. Il veut friponner sous le manteau de la loi. Il se fonde sur ce qu’ayant le premier manuscrit de moi, il a seul le droit d’impression : il a raison d’en user ainsi ; ces deux éditions et les suivantes feraient sa fortune, et je suis sûr qu’un libraire qui aurait seul le droit de copie en Europe gagnerait trente mille ducats au moins.

Cet homme me fait ici beaucoup de peine ; mais, sire, un mot de votre main me consolera ; j’en ai grand besoin, je suis entouré d’épines. Me voilà dans votre palais. Il est vrai que je n’y suis pas à charge à votre envoyé ; mais enfin un hôte incommode au bout d’un certain temps. Je ne peux pourtant sortir d’ici sans honte, ni y rester avec bienséance sans un mot de Votre Majesté à votre envoyé.

Je joins à ce paquet la copie de ma lettre à ce malheureux curé[1], dépositaire du manuscrit : car je veux que Votre Majesté soit instruite de toutes mes démarches.

Je suis, etc.

  1. La lettre 1352.