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963. — À M. LE LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1].
Cirey, ce 13 novembre 1738.

C’est ma reconnaissance, moins que mon intérêt, qui vous importune. Je suis pénétré de vos bontés. Permettez-moi seulement de poursuivre le nommé Jore en justice, et de demander réparation. Vous aviez eu la bonté de me promettre de me rendre ma lettre, qui avait servi de prétexte à son infâme procès. Si elle ne parvient pas entre mes mains, je me flatte qu’elle ne sortira pas des vôtres. M. d’Argental et le jeune Lamare, témoins des procédés de Jore, savent très-bien que je ne lui dois rien, M. et Mme  du Châtelet, qui ont vu ici longtemps un billet de lui (malheureusement égaré) peuvent certifier qu’au contraire il m’était redevable. Je peux vous assurer, sans crainte de vous tromper, qu’il y a peu de scélérats aussi dangereux que ce misérable.

Quoi qu’il arrive, j’ose compter, monsieur, sur votre protection, et mon attachement sincère pour votre personne semble m’y donner quelques droits.


964. — À FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Novembre[2].

Monseigneur, que Votre Altesse royale pardonne à ce pauvre malade enrichi de vos bienfaits, s’il tarde trop à vous payer ses tributs de reconnaissance.

Ce que vous avez composé sur l’humanité vous assure, sans doute, le suffrage et l’estime de Mme  du Châtelet, et vous me forceriez à l’admiration si vous ne m’y aviez pas déjà tout disposé. Non-seulement Cirey remercie Votre Altesse royale, mais il n’y a personne sur la terre qui ne doive vous être obligé. Ne connût-on de cet ouvrage que le titre, c’en est assez pour vous rendre maître des cœurs. Un prince qui pense aux hommes, qui fait son bonheur de leur félicité ! On demandera dans quel roman cela se trouve, et si ce prince s’appelle Alcimédon ou Almanzor, s’il est fils d’une fée et de quelque génie. Non, messieurs, c’est un être réel ; c’est lui que le ciel donne à la terre, sous le nom de Frédéric ; il habite d’ordinaire la solitude de Remusberg ; mais son nom, ses vertus, son esprit, ses talents, sont déjà con-

  1. Éditeur, Léouzon Leduc.
  2. Cette lettre répond à la lettre 957.