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1364. — À M. LE MARÉCHAL DE BROGLIE[1].
À la Haye, au palais du roi de Prusse, ce 17 octobre.

Monseigneur, il m’est venu trouver ici un jeune homme d’une figure assez aimable, quoique petite ; portant ses cheveux, ayant l’air vif, une petite bouche, et paraissant âgé de vingt-trois à vingt-quatre ans. Il se nomme M. de Champflour, et se dit garçon-major et lieutenant dans le régiment de Luxembourg, actuellement en garnison dans votre citadelle de Strasbourg.

Il se flatte de n’être pas oublié de vous, monseigneur, et il dit que monsieur son père, qui a l’honneur d’être connu de vous, pourra être touché de son état si vous voulez bien le protéger. Il me paraît dans la plus grande misère, chargé d’une femme grosse, et accablé de sa misère et de celle de sa femme. Il vient tous les jours ici tant d’aventuriers que je ne peux lui rien donner, ni le recommander à personne, sans avoir auparavant votre agrément.

S’il était vrai que son père, pour lequel je prends la liberté de joindre ici une lettre[2], voulût faire quelque chose en sa faveur, je lui ferais avancer ici de l’argent. Je ne le connais que par le malheur de son état, qui l’a forcé à se découvrir à moi.

Je saisis cette occasion pour vous renouveler les assurances du profond respect avec lequel je serai toute ma vie, monseigneur, votre…

Voltaire.

Me serait-il permis de présenter mes respects à madame la maréchale[3] ?


1365. — À M. DE CHAMPFLOUR, PÈRE.
À la Haye, dans le palais du roi de Prusse, ce 18 octobre.

Quoique je n’aie pas l’honneur d’être connu de vous, monsieur, je me crois obligé de vous écrire pour vous avertir que

  1. François-Marie de Broglie, né le 11 janvier 1671, maréchal de France le 14 juin 1734, nommé au commandement général de l’Alsace en 1739, créé duc en juin 1742, mort au mois de mai 1745. — Quand Frédéric II alla à Strasbourg, sous le nom du comte ou baron du Four, au mois d’auguste 1740, ce fut chez le maréchal de Broglie qu’il dina, et qu’il fut définitivement reconnu, malgré ses précautions pour ne pas l’être. (Cl.)
  2. Voyez celle qui suit.
  3. Thérése-Gillette Loquet, fille d’un armateur de Saint-Malo. (Cl.)