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1375. — À M. THIERIOT[1].
À Utrecht, 6 novembre.

M, Dumolard, que vous m’aviez recommandé, mon cher Thieriot, arriva à la Haye dans l’instant que je partais pour aller faire pendant quelques jours ma cour à Sa Majesté[2]. Je crois que voici l’occasion de faire valoir vos services. Il serait bon que vous me mandassiez sur-le-champ à quoi peuvent aller en tout vos déboursés. Ne doutez pas que Sa Majesté n’agisse généreusement ; mais vous savez très-bien que la multiplicité énorme des affaires dont elle est chargée depuis son avènement ne lui a pas permis de penser à tout, et que dans une cour chacun ne pense qu’à soi. Fiez-vous, je vous prie, à mon ancienne amitié ; j’espère vous en donner des marques. Vous pouvez m’écrire à Rémusberg, où je vais ; mais ne tardez pas un moment, car je fais le voyage comme bannière, et je ne reste que trois ou quatre jours auprès du roi. Je vous embrasse,


1376. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE[3].
Rémusberg, 8 novembre.

Ton Apollon te fait voler au ciel.
Tandis, ami, que, rampant sur la terre.
Je suis en butte aux carreaux du tonnerre,
À la malice, aux dévots, dont le fiel
Avec fureur cent fois a fait la guerre
À maint humain bien moins qu’eux criminel.
Mais laissons là leur imbécile engeance
Hurler l’erreur et prêcher l’abstinence,
Du sein du luxe et de leurs passions.
Tu veux percer la carrière immense
De l’avenir, et voir les actions
Que le destin avec tant de constance
Aux curieux bouillant d’impatience
Cacha toujours très-scrupuleusement ?
Pour te parler tant soit pou sensément,
À ce palais[4] qu’on trouve dans Voltaire,
Temple où Henri fut conduit par son père.
Où tout paraît nu devant le destin.
Si son auteur t’en montre le chemin,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Dumolard partit pour Berlin avec Voltaire.
  3. Cette lettre, qui a toujours été admise dans la correspondance de Voltaire et du roi de Prusse, n’est pas adressée à Voltaire, mais à Algarotti. (Pr.)
  4. Le palais des Destins, ch. VII de la Henriade, v. 116.