Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/140

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l’est-il davantage, en ce qu’il suppose un penchant qu’on a surmonté. Une circonstance m’avait fait croire d’abord au récit de l’ambassadeur : c’est que Charles XII quitta depuis la bière, et qu’ainsi il était vraisemblable qu’il ne renonça à la bière et au vin que par un régime austère qui entrait dans son héroïsme.

Je sais qu’il peut paraître très-puéril d’examiner scrupuleusement si un homme du Nord, qui vivait il y a près de trente ans, a bu du vin ou non, et par quelle raison il n’en a pas bu ; mais un si petit détail est ennobli par le héros : d’ailleurs un historien qui pèse les plus petites vérités en mérite plus de créance sur les grandes.

J’ai rapporté sur beaucoup d’événements des sentiments contraires, afin de laisser au lecteur la liberté de juger : mon impartialité ne peut pas être douteuse, je ne suis qu’un peintre qui tâche d’appliquer des couleurs vraies sur les dessins qu’on lui a fournis. Tout m’est indifférent de Charles XII et de Pierre le Grand, excepté le bien que ce dernier a fait aux hommes ; il n’est pas en moi de les flatter ni d’en médire, j’en parle avec le respect qu’on doit aux rois qui sont morts de nos jours, et avec celui qu’on doit à la vérité. Ce désir de savoir et de dire la vérité m’oblige d’avertir les libraires qui voulaient donner une nouvelle édition de cette histoire qu’ils doivent différer longtemps. Je voudrais qu’ils eussent aussi moins précipité quelques éditions de mes ouvrages. Permettez-moi surtout, messieurs, de protester ici plus particulièrement contre deux de ces éditions nouvelles, dans lesquelles on a inséré beaucoup de pièces qui ne sont point de moi, telles qu’un commencement de roman, une apothéose[1], et je ne sais quels autres écrits de cette nature : il est juste qu’on n’ait à répondre que de ses fautes ; mais les auteurs sont souvent réduits à répondre de celles des autres à force d’en avoir fait.


1514. À M. FALKENER[2]

If I have forgot the scraps of english I once had gathered, I’Il never forget my dear ambassador. I am now at Paris, and

  1. Le tome V de l’édition de 1742 des Œuvres mêlées de M. de Voltaire contient, pages 208 et 265, une Nouvelle, fragment de M. de V… trouvé dans ses papiers écrits de sa main, et une Apothéose de Mlle Lecouvreur, actrice, morte le 2 mars 1730. Mais tous les exemplaires ne contiennent pas ces pièces, attendu que, sans doute sur les plaintes de l’auteur, des suppressions ont été faites. La réimpression commence à la page 193, et le volume n’a plus que 254 pages. (B.)
  2. Received at Pera, 24 sept. (Note de Falkener). Cette lettre a été éditée par MM. de Cayrol et François.