Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/166

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mieux n’avoir de querelles que sur Locke et sur Newton. Celle que j’ai sur Mahomet n’est heureusement que ridicule. On croit ici les Français gais et légers ; qui croirait qu’il y en ait de si tristes et de si pédants[1] !

Vous, qui êtes si loin d’être l’un et l’autre, conservez-moi, monsieur, des bontés qui me seront toujours bien précieuses, et protégez-moi un peu auprès de monsieur votre fils. Mme du Châtelet vous fait mille compliments.


1534. — À M. LE CARDINAL DE FLEURY.
À Bruxelles, le 24 septembre.

Monseigneur, je regarde les lettres de Votre Éminence comme la faveur la plus flatteuse que puisse recevoir un citoyen, surtout dans un temps où la multiplicité de vos affaires semble devoir ne vous laisser aucun moment.

Votre Éminence se peint dans ses lettres ; on ne peut les lire sans sentir redoubler son attachement. Il n’y a que des Anglais que de tels charmes ne puissent pas apprivoiser. Je puis vous assurer que le roi de Prusse a été vivement touché de celles que vous lui avez écrites, et qu’il m’a parlé avec une extrême sensibilité de cette éloquence d’autant plus persuasive que la modération lui donne un nouveau poids et un nouveau prix. Son goût l’attache personnellement à vous ; la manière dont ce monarque m’a fait l’honneur de me parler ne me permet pas d’en douter. Il ne croyait pas assurément que je dusse en rendre compte à Votre Éminence.

Si je n’avais craint le sort que les lettres ont quelquefois sur les frontières, surtout dans un temps aussi orageux que celui-ci, j’aurais pris un peu plus de liberté, et je profiterais aujourd’hui de celle que Votre Éminence me donne de lui parler des raisons secrètes qui ont précipité la paix du roi de Prusse. Mais, supposé que ces allégations eussent quelque fondement, ce que je suis très-éloigné de croire, et qu’il en fallût venir à quelques éclaircissements, le roi de Prusse pourrait penser alors que j’ai trahi sa confiance ; je perdrais sans fruit ses bonnes grâces, et les occasions de vous marquer mon zèle.

Me sera-t-il permis, monseigneur, de vous représenter que si vous ordonnez à M. de Valori de vous instruire de ces motifs

  1. Allusion au procureur général Joly de Fleury et à quelques-uns de Messieurs.