Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/246

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des promesses que j’ai eu l’honneur de vous faire ; je vous prie de le regarder comme un témoignage de mon zèle pour vous autant que pour ma patrie. Je vous supplie de le faire chiffrer d’un bout à l’autre, et de l’envoyer dans votre paquet. Je vous prie aussi de vouloir bien me rendre ce petit billet, et la minute ci-jointe, dont je n’ai pas gardé de copie. Soyez persuadé de mon tendre et respectueux attachement, et comptez que je n’ai pas été en reste dans les louanges que le roi vous a données.

Voltaire.

1609. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Potsdam, 7 septembre.

Vous me dites tant de bien de la France et de son roi qu’il serait à souhaiter que tous les souverains eussent de pareils sujets, et toutes les républiques de semblables citoyens. C’est ce qui fait véritablement la force des États, lorsqu’un même zèle anime tous les membres, et que l’intérêt public devient l’intérêt de chaque particulier.

Il aurait été à souhaiter que la France et la Suède eussent eu des militaires qui pensassent comme vous ; mais il est bien sûr, quoi que vous puissiez dire, que la faiblesse des généraux et la timidité des conseils ont presque perdu de réputation ces deux nations, dont le nom seul inspirait, il n’y a pas un demi-siècle, la terreur à l’Europe.

De quelle façon voyons-nous que la France ait agi envers ses alliés ? Quel exemple pour l’Europe que la paix secrète que fit le cardinal de Fleury, à l’insu de l’Espagne et du roi de Sardaigne ! Il abandonna le roi Stanislas, beau-père de Louis XV, et acquit la Lorraine. Quel exemple inouï que la manière dont la France abandonne l’empereur, sacrifie la Bavière, et réduit ce prince si respectable dans la dernière misère ; je ne dis pas dans la misère d’un prince, mais dans la situation la plus affreuse où puisse se trouver un particulier ! Quelles machinations n’ont pas été celles du cardinal, en Russie, lorsque nous étions le mieux liés ! Quelles propositions n’a-t-on pas faites à Mayence pour ouvrir les routes à la paix, ou, pour mieux dire, afin d’allumer une nouvelle guerre ! Avec quel peu de vigueur parlent les Français, lorsqu’ils devraient montrer de la fermeté ; et, lors même qu’il en parait quelque étincelle dans leurs discours, combien peu les opérations militaires y répondent-elles !

Cependant cette nation est la plus charmante de l’Europe ; et, si elle n’est pas crainte, elle mérite qu’on l’aime. Un roi digne de la commander, qui gouverne sagement, et qui s’acquiert l’estime de l’Europe entière, peut lui rendre son ancienne splendeur, que les Broglio, et tant d’autres plus ineptes encore, ont un peu éclipsée.

C’est assurément un ouvrage digne d’un prince doué de tant de mérite que de rétablir ce que les autres ont gâté ; et jamais souverain ne peut