Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/250

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  un ridicule dans l’Europe, et seraient, dans le fond, contraires à mes intérêts

et à ma gloire. La seule commission que je puisse vous donner pour la France, c’est de leur conseiller de se conduire plus sagement qu’ils n’ont fait jusqu’à présent. Cette monarchie est un corps très-fort, sans âme et sans nerf.

Fédéric.

1611. DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
(Le 8 septembre.)

Je n’ose parler à un fils d’Apollon de chevaux, de carrosses, de relais, et de pareilles choses ; ce sont des détails dont les dieux ne se mêlent pas, et que nous autres humains prenons sur nous. Vous partirez lundi après-midi, si vous le voulez, pour Baireuth[1], et vous dinerez chez moi en passant, s’il vous plait.

Le reste de mon Mémoire est si fort barbouillé et en si mauvais état que je ne puis vous l’envoyer. Je fais copier les chants VIII et IX de la Pucelle. J’en possède à présent le Ier, IIe, le IIIe, le IVe, le Ve, le VIIIe et le IXe  ; je les garde sous trois clefs, pour que l’œil des mortels ne puisse les voir.

On dit que vous avez soupé, hier, en bonne compagnie.

Les plus beaux esprits du canton,
Tous rassemblés en votre nom,
Tous gens à qui vous deviez plaire,
Tous dévots croyant à Voltaire,
Vous ont unanimement pris
Pour le dieu de leur paradis.

Le paradis, pour que vous ne vous en scandalisiez pas, est pris ici, dans un sens général, pour un lieu de plaisir et de joie. Voyez la remarque sur le dernier vers du Mondain[2]. Vale.

Fédéric.
  1. Voltaire partit pour Baireuth le mardi 10 septembre, et fut de retour à Potsdam le 25.
  2. Jusques et compris 1751 les éditions de Voltaire n’ont aucune note sur le dernier vers du Mondain. Dans l’édition de 1753 est la note qu’on lit aujourd’hui. L’édition de 1752 a toutefois quatre mots de plus. (B.)