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1652. — À M. L’ABBÉ DE VALORI.
Cirey en Champagne, le 8 mai.

Je vois, monsieur, qu’il faut s’adresser à des rois pour que les commissions soient bien faites. Monsieur votre frère a reçu le paquet que je lui ai adressé très-insolemment par les mains du roi de Prusse, et je vois que vous n’avez pas reçu celui que j’ai eu l’honneur de vous envoyer par le coche d’Étampes. Je croyais devoir être plus fâché contre les rois que contre les coches, et je vois que je me suis trompé. Je n’ai point écrit à monsieur votre frère, parce que les lettres sont ouvertes en trois ou quatre endroits avant d’arriver ; mais je me flatte qu’il n’en compte pas moins sur mon tendre attachement. Vos bontés, monsieur, adoucissent bien la douleur que m’a causée la mort de mon cher Dénis[1]. Vous avez perdu un homme qui vous était dévoué. Et cette pauvre Mme  Denis n’aura plus la consolation de vous voir à Lille. Conservez-moi des bontés qui serviront toujours de baume à toutes les blessures que la nature et la fortune peuvent faire. Je resterai jusqu’au mois de septembre dans la charmante solitude de Cirey, tandis qu’on s’égorgera en Italie, en Flandre et en Allemagne. Ensuite je viendrai faire bâiller l’infante d’Espagne et son mari ; mais ce que je souhaite le plus ardemment, c’est de pouvoir vous dire, à mon tour, avec quel tendre et respectueux attachement je vous suis dévoué, à vous, monsieur, et à toute votre aimable famille, à laquelle je présente mes très-humbles respects. Votre, etc.

Voltaire.

1653. — DE MANNORY[2].
Ce 10 de mai 1744.

Il y a longtemps, monsieur, que vous n’avez entendu parler de moi, et il est bien fâcheux que je ne rappelle vos idées à mon sujet que pour vous entretenir de mes malheurs ; mais je connais trop les sentiments de votre cœur pour manquer de confiance. Mon père vit toujours, il a quatre-vingts ans ; il est extrêmement cassé et affaibli. J’aurai plus de cent mille francs de bien, et je n’en ai jamais reçu un écu. Ma profession est difficile ; il y faut

  1. Le mari de Mlle  Mignot aînée.
  2. Voltaire a écrit à la marge de l’autographe « Lettre de l’avocat Mannory, qui, ayant reçu de moi l’aumône, fit contre moi un libelle. » — Sur Mannory, voyez, tome XXIV, la note de la page 119.