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1656. — À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT.
À Cirey en Champagne, ce 1er juin.

Les gens de bonne compagnie, monsieur, et ceux qui prétendent en être, vont bien se rengorger quand ils verront que le livre[1] le plus utile nous vient de l’homme du monde le plus aimable. Nous recevons dans ce moment votre présent charmant. Mme  du Châtelet va quitter les Tables astronomiques de Bayer[2] pour vous en remercier : et moi, je quitte très-volontiers ma Fête de Versailles pour vous dire combien votre livre m’enchante. Nous le parcourons. Je le lis en vous écrivant. J’admire ces traits brillants et vrais dont vous caractérisez les rois et les siècles. Ce que vous dites de Louis XII, de Henri IV, de Louis XIII, de Louis XIV, doit être appris par cœur. N’allez pas croire, au moins, que la reconnaissance que je vous dois sur Henri IV me fascine les yeux. Je vois très-clairement que votre ouvrage est un chef-d’œuvre d’esprit et de raison. Point de satire, point de prévention, point de faux raffinements. Vous avez enchâssé dans cette chronologie mille anecdotes intéressantes, qui toutes servent à faire connaître les temps dont vous parlez. Votre ouvrage vivra, je vous en réponds faites donc comme lui, et n’ayez plus de coliques. Passez à Cirey[3], en allant aux eaux, et employez votre loisir à nous donner votre grande Histoire, que cet Abrégé doit faire désirer à tous ceux qui veulent lire pour s’instruire et pour avoir du plaisir. Je viens de lire l’article du chancelier de L’Hospital grand merci c’est un chancelier que j’idolatre ; il était philosophe, vrai philosophe, excellent citoyen, et faisant de beaux vers latins.

Hic jacet a nullis potuit quæ Gallia vinci,
       Ipsa sui victrix, ipsa sui tumulus.

Que vous avez bien fait de donner tant d’éloges au grand Colbert ! La lettre à Vossius bon encore ; cela peut fructifier en son temps, ce sont des germes de vertu et de grandeur. Le public doit vous être très-obligé ; il n’avait point encore vu de cette besogne.

  1. Le Nouvel Abrégé chronologique de l’Histoire de France, dont la première édition parut vers le mois d’avril 1744, avec un titre aussi long, à lui seul, qu’une préface.
  2. Jean Bayer, d’Ausbourg, auteur d’une description des constellations, sous le titre d’Uranometria. (K.)
  3. Hénault, en allant à Plombières, passa la journée du 7 juillet 1744 à Cirey.