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J’ai répondu un peu plus tard, monsieur, à votre aimable lettre, mais elle m’a été rendue fort tard. Elle a été à Chalons, où j’avais suivi Mme  du Châtelet, qui a gardé monsieur son fils, malade de la petite vérole. Les préjugés de ce monde, qui ne font jamais que du mal, m’empêchent de voir votre ami M. d’Argenson. Vous aurez probablement, à Lille, le plaisir que je regrette. Puisse-t-il en revenir bien vite avec le rameau d’olivier ! Il n’y a jamais eu, de tous les côtés, moins de raison de faire la guerre. Tout le monde a besoin de la paix, et cependant on se bat. Je voudrais bien que l’historiographe pût dire : Les princes furent sages en 1745.

Vous savez que le roi, en m’accordant cette place, m’a daigné promettre la première vacante de gentilhomme ordinaire. Je suis comblé de ses bontés. Adieu, monsieur ; Mme  du Châtelet vous fait mille compliments recevez, avec toute votre famille, mes plus tendres respects.

Voltaire.

1720. — À M. LE MARQUIS D’ARGENSON,
ministre des affaires étrangères, à versailles.
À Paris, ce 3 mai.

Eh bien ! il faudra donc vous laisser partir sans avoir la consolation de vous voir ! Partez donc ; mais revenez avec le rameau d’olivier, et que le roi vous donne le rameau d’or : car, en vérité, vous n’êtes pas payé pour la peine que vous prenez.

Vous avez eu trop de scrupule en craignant d’écrire un petit mot à M. l’abbé de Canillac[1]. Je vous avertis que je suis très-bien avec le pape, et que M. l’abbé de Canillac fera sa cour, en disant au saint-père que je lis ses ouvrages, et que je suis au rang de ses admirateurs comme de ses brebis.

Chargez-vous, je vous en supplie, de cette importante négociation. Je vous réponds que je serai un petit favori de Rome, sans que nos cardinaux y aient contribué.

Que dites-vous, monseigneur, de la princesse royale de Suède[2], qui me prie de faire un petit voyage à Stockholm, comme on prie

  1. Claude-François de Beaufort-Canillac-Montboissier, dit l’abbé de Canillac, né en Auvergne vers 1692, chargé des affaires du roi à Rome ; mort au commencement de 1761.
  2. Louise-Ulrique, à laquelle sont adressées les lettres des 22 décembre 1743, 1er mai 1744 et 2 mai 1745.