Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/39

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Et vous, vous entendez, sans que rien vous alarme,
Ou les rêves d’un bonze, ou les sermons d’un carme ;
Vous allez à la messe et vous en revenez.
Végétaux sur le trône à languir destinés,
N’attendez rien de moi ; mes voix et mes trompettes
Pour des rois endormis sont à jamais muettes ;
Ou plutôt, vils objets de mon juste courroux,
Rougissez et tremblez, si je parle de vous. »
Ainsi la Renommée, en volant sur la terre,
Célébrait le héros des arts et de la guerre.
Vous, enfants d’Apollon, par sa voix excités,
Perroquets de la gloire, écoutez, et chantez.

Ah ! sire, les honneurs changent les mœurs ; faut-il, parce que Votre Majesté se bat tous les jours contre de vilains housards auxquels elle ne voudrait pas parler, et qui ne savent pas ce que c’est qu’un vers, qu’elle ne m’écrive plus[1] du tout ? Autrefois elle daignait me donner de ses nouvelles, elle me parlait de sa fièvre quarte ; à présent qu’elle affronte la mort, qu’elle prend des villes, et qu’elle donne la fièvre continue à tant de princes, elle m’abandonne cruellement. Les héros sont des ingrats. Voilà qui est fait, je ne veux plus aimer Votre Majesté, je me contenterai de l’admirer. N’abusez pas, sire, de ma faiblesse. On nous a conté qu’on avait fait une conspiration contre Votre Majesté. C’est bien alors que j’ai senti que je l’aimais.

Je voudrais seulement, sire, que vous eussiez la bonté de me dire, la main sur la conscience, si vous êtes plus heureux que vous ne l’étiez à Rémusberg. Je conjure Votre Majesté de satisfaire à cette question philosophique. Profond respect.


1423. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[2].
Bruxelles…

Mme du Châtelet fait aux anges les plus tendres compliments. Nous menons ici une vie philosophique bien agréable ; mais je ne suis pas encore philosophe. Adieu, mes adorables anges. Je me mets toujours à l’ombre de vos ailes.

Adoucissez, je vous en prie, Bombarde[3] ; je n’ai jamais mé-

  1. Frédéric avait écrit le 19 mars à Voltaire. Cette lettre parvint à celui-ci, mais elle n’a pas été recueillie.
  2. Nous croyons cette lettre plutôt du commencement de 1741 que de 1742, date qui lui est donnée par ses éditeurs, MM. de Cayrol et François.
  3. Thieriot.