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mains, et aux pieds de sainte Villars[1]. Je vous recommande M. Hardion[2]. C’est peu de chose d’entrer dans une compagnie, il faut y être reçu comme on l’est chez ses amis. Voilà ce qui rend une telle place infiniment désirable. Un lien de plus, qui m’unira à vous, me sera bien cher et bien précieux et, pour entrer avec agrément, je veux être conduit par vous. J’attends tout de la bonté de votre cœur et de l’ancienne amitié dont vous m’avez toujours donné des marques.

Je vous prie de dire à la plus aimable sainte qui soit sur la terre que, quoique la reconnaissance soit une vertu mondaine, cependant j’en suis pétri pour elle. J’ose croire que M. l’abbé de Saint-Cyr[3] ira à l’Académie le jour de l’élection, et qu’il ne me refusera pas ce beau titre d’élu.

Comptez sur le tendre et éternel attachement de Voltaire.


1809. — À M. DE VAUVENARGUES.
Ce samedi, avril.

Je ne sais où trouver M. de Marmontel et son Pylade[4] ; mais je m’adresse au héros de l’amitié pour faire passer jusqu’à eux le chagrin que me cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles[5], et l’empressement que j’aurai à les servir. Les recherches qu’on a faites par ordre de la cour, chez tous les libraires, au sujet du libelle de Roi, sont cause de ce malheur. On cherchait des poisons, et on a saisi de bons remèdes. Voilà le train de ce monde. Ce misérable Roi, n’est né que pour faire du mal ; mais je me flatte que cette aventure pourra servir à faire discerner ceux qui méritent la protection du gouvernement, de ceux qui méritent l’indignation du gouvernement et du public. C’est à quoi je vais travailler avec plus de chaleur qu’à mon Discours à l’Académie.

  1. La maréchale de Villars.
  2. Jacques Hardion, écrivain à longues phrases, était un des détracteurs de Voltaire.
  3. Odet-Joseph de Vaux de Giry, abbé de Saint-Cyr, sous-précepteur du dauphin, reçu à l’Académie française en 1741, mort le 14 janvier 1761.
  4. Jean-Grégoire Bauvin, né en 1714. Il venait d’entreprendre, avec Marmontel, un journal intitulé l’Observateur littéraire, dont il ne parut que le premier volume.
  5. L’Observateur littéraire, qui se cachait parce qu’il n’avait pas acquitté le tribut exigé par le Journal des savants, était tombé entre les mains du lieutenant de police, dans les recherches faites par les agents de celui-ci, à l’instigation de Voltaire, pour rechercher le Discours prononcé à la porte de l’Académie française et le Triomphe poétique.