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Le duc de Richelieu a vu des dauphines, des fêtes, des cérémonies, et des fats ; c’est le lot d’un ambassadeur. Pour moi, j’ai vu le petit Paulmy[1] aussi doux qu’aimable et spirituel. Nos beaux esprits l’ont dévalisé en passant, et il a été obligé de nous laisser une comédie charmante, qui a eu assez de succès à la représentation ; il doit être à présent à Paris. Je vous prie de lui faire mes compliments, et de lui dire que sa mémoire subsistera toujours ici avec celle des gens les plus aimables.

Vous avez prêté votre Pucelle à la duchesse de Wurtemberg[2] ; apprenez qu’elle l’a fait copier pendant la nuit. Voilà les gens à qui vous vous confiez et les seuls qui méritent votre confiance, ou plutôt à qui vous devriez vous abandonner tout entier, sont ceux avec lesquels vous êtes en défiance. Adieu puisse la nature vous donner assez de force pour venir dans ce pays-ci, et vous conserver encore de longues années pour l’ornement des lettres et pour l’honneur de l’esprit humain !


1862. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Versailles, ce 9 mars.

Les fileuses des destinées,
Les Parques, ayant mille fois
Entendu les âmes damnées
Parler là-bas de vos exploits,
De vos rimes si bien tournées,
De vos victoires, de vos lois,
Et de tant de belles journées,
Vous crurent le plus vieux des rois.
Alors des rives du Cocyte
À Berlin vous rendant visite,
La Mort s’en vint, avec le Temps,
Croyant trouver des cheveux blancs,
Front ridé, face décrépite,
Et discours de quatre-vingts ans.
Que l’inhumaine fut trompée !
Elle aperçut de blonds cheveux,
Un teint fleuri, de grands yeux bleus,
Et votre flûte, et votre épée ;
Elle songea, pour mon bonheur,
Qu’Orphée autrefois par sa lyre,
Et qu’Alcide par sa valeur,
La bravèrent dans son empire.

  1. Voyez la note 2 de la pase 90. Aucun de ses ouvrages dramatiques n’a été imprimé.
  2. Mère des princes Charles-Eugène et Louis-Eugène de Wurtemberg, avec lesquels Voltaire fut en relations fréquentes.