Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/525

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convient point à la pièce. C’est une réflexion que je soumets à vos lumières, comme je me repose du rôle uniquement sur vos talents. Je vous prie de croire que j’ai l’honneur d’être avec l’estime la plus sincère, etc.


1901. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Commercy, le 2 août.

Plus de Cirey, mes chers anges ; Mme  du Châtelet joue le Double Veuvage[1] et l’opéra. On ne peut se soutraire un moment à ces importantes occupations. Nous avons représenté au roi de Pologne, comme de raison, qu’il faut tout quitter pour M. et Mme  d’Argental. Il a bien été obligé d’en convenir ; mais il est jaloux, et il veut que vous préfériez Commercy à Cirey. Il m’ordonne de vous prier de sa part de venir le voir. Vous serez bien à votre aise ; il vous fera bonne chère ; c’est le seigneur de château qui fait assurément le mieux les honneurs de chez lui. Vous verrez son pavillon avec des colonnes d’eau, vous aurez l’opéra ou la comédie, le jour que vous viendrez. Je vois déjà votre philosophie effarouchée ; mais, si vous avez quelque idée du roi de Pologne, elle doit s’apprivoiser. Cela serait charmant ; c’est votre chemin le plus court ; et, si vous voulez m’avertir de votre arrivée, le roi vous enverra probablement un relais, et vous en donnera un autre pour le retour. Votre voyage ne sera pas retardé d’un seul jour. Vous serez les maîtres absolus du temps ; vous arriverez à Paris le jour que vous aurez résolu d’y arriver. Voyez ce que vous pouvez faire pour nous. Je vais écrire à M. le duc d’Aumont pour le remercier ; mais je vous remercierai bien davantage si vous venez. À propos, on dit que la paix pourrait bien être publiée à la fin de ce mois[2] : cela pourrait fournir quelques spectateurs de plus à Sémiramis. Je commence à avoir grand’peur. Je ne serai rassuré que quand vous serez à Paris. Si elle était jouée sans vous, mon malheur serait sûr. Mes adorables anges, venez raisonner de tout cela à Commercy. Bonsoir. Mme  du Châtelet joint ses prières aux miennes. Refuserez-vous les rois et l’amitié ?

Mille tendres respects à vous deux.

  1. Comédie en prose de Dufresy ; 1702.
  2. La paix, signée à Aix-la-Chapelle le 18 octobre 1748. ne fut publiée à Paris que le 12 février 1749.