Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/533

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qualité d’assistants. La Noue a déclamé contre la pièce beaucoup plus haut qu’il n’a déclamé son rôle. En un mot, je n’ai essuyé d’eux que de l’ingratitude et de l’insolence. Permettez, je vous en prie, que je ne sacrifie rien de mes droits pour des gens qui ne m’en sauraient aucun gré, et qui en sont indignes de toutes façons. Je ne prétends pas hasarder d’offenser l’amour-propre de Mlle Dumesnil[1], de Mlle Clairon, et de Grandval. Quelques galanteries données à propos ne les fâcheront pas. Le chevalier de Mouhy et d’autres[2] ne doivent pas être oubliés. Qui oblige un corps n’oblige personne. On ne peut s’adresser qu’aux particuliers qui le méritent.

À l’égard de la pièce, je vous jure que je la travaillerai, pour la reprise, avec le peu de génie que je peux avoir, et avec beaucoup de soin. Il est triste qu’on la joue à Fontainebleau, parce que le théâtre est impraticable ; mais, si on la joue, je vous supplie d’engager M. le duc d’Aumont à ne pas faire mettre de lustre sur le théâtre. Nous avons ici l’expérience que le théâtre peut être très-bien éclairé avec des bougies en grand nombre, et des reflets dans les coulisses. Il ne s’agirait, pour exécuter la nuit absolument nécessaire au troisième acte, que d’avoir quatre hommes chargés d’éteindre les bougies dans les coulisses, tandis qu’on abaisserait les lampions du devant du théâtre.

J’en ai écrit à M. de Cindré[3] mais c’est de M. le duc d’Aumont que j’attends toute sorte de protection grande et petite, et c’est à vous que je la devrai, à vous à qui je dois tout, et dont l’amitié est si active, si indulgente, et si inaltérable.

Je reviens à l’abominable calomnie par laquelle on m’a voulu brouiller avec M. l’abbé de Bernis ; elle vient d’un homme[4] qui m’a fait depuis longtemps l’honneur d’être jaloux de moi, je ne sais pas pourquoi, et qui n’aime pas l’abbé de Bernis (je sais bien pourquoi), parce qu’il veut plaire, et que l’abbé de Bernis plaît. Je ne nomme personne, je ne veux me plaindre de personne ; je vis dans une cour charmante et tranquille, où toute tracasserie est ignorée mais je serais pénétré de douleur que M. l’abbé de Bernis me crût capable d’avoir dit une parole indiscrète sur son

  1. Cette actrice venait de créer le rôle de Sémiramis, et celui d’Azéma était rempli par Mlle Clairon.
  2. Thieriot, Dumolard, le libraire Lambert, le chevalier de La Morlière, mais non l’abbé de Lamare, que Longchamp nomme dans l’article xviii de ses Mémoires. (Cl.)
  3. Le Noir de Cindré, l’un des intendants des Menus.
  4. Piron. (K.)