Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/536

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pas abandonner la sienne, et à ne pas souffrir l’avilissement des beaux-arts et d’un officier du roi dans l’affront qu’on veut faire à un ouvrage honoré des bienfaits du roi même.

Mes anges, engagez M. l’abbé de Bernis à ne pas abandonner son confrère, à ne pas souffrir un opprobre qui avilit l’Académie, à écrire fortement de son côté à Mme  de Pompadour : c’est ce que j’espère de son cœur et de son esprit ; et ma reconnaissance sera aussi longue que ma vie. Au reste, je pense que peut-être une des meilleures réponses que je puisse employer est dans les amples corrections que je vous envoie pour Sémiramis. J’en ai fait faire une copie générale pour Mlle  Dumesnil, qu’elle donnera à Minet[1], et une copie particulière pour chaque acteur. Si vous êtes content, vous et votre aréopage, je me flatte que vous ajouterez à toutes vos bontés celle d’envoyer le paquet à Mme  Dumesnil, à Fontainebleau. J’attends votre arrêt.

À l’égard de l’histoire de ma vie[2], dont on me menace en Hollande, je vais faire les démarches nécessaires. Je ne laisse pas d’avoir des amis auprès du stathouder[3] ; mais, si je ne réussis pas, je mettrai ces deux volumes à côté de Frétillon[4], et la canaille ne troublera pas mon bonheur. Des amis tels que vous sont une belle consolation. Le bénéfice l’emporte sur les charges. Mon cher ange, cultivons les lettres jusqu’au tombeau ; méritons l’envie et méprisons-la, en faisant pourtant ce qu’il faut pour la réprimer. Adieu, maison charmante où habitent la vertu, l’esprit, et la bonté du cœur. Adieu, vous tous qui soupez ; moi, qui dîne, je suis bien indigne de vous. Ah ! monsieur de Pont-de-Veyle, oubliez-vous mes moyeux[5] ?

Ô anges ! j’ajoute que je ne doute pas que M. le duc d’Aumont ne soit indigné qu’on vilipende un ouvrage que j’ai donné pour lui comme pour vous, que j’ai fait pour lui, pour le roi, et dans la sécurité d’être à l’abri de l’infâme parodie. Il faut qu’il combatte comme un lion, et qu’il l’emporte. Représentez-lui tout cela avec cette éloquence persuasive que vous avez.

J’ai écrit à M. Berryer. Mme  du Châtelet doit vous écrire ; elle

  1. Souffleur et copiste de la Comédie française.
  2. Je ne connais pas cette Vie de Voltaire. (B.)
  3. Guillaume-Charles-Henri-Frison de Nassau-Dietz, prince d’Orange, connu sous le nom de Guillaume IV, aïeul de Guillaume-Frédéric de Nassau, roi des Pays-Bas depuis 1815.
  4. Histoire de mademoiselle Cronel dite Frétillon, 1743, quatre parties in-12 ; pamphlet contre mademoiselle Clairon, attribué au comte de Çaylus et aussi au comédien Gaillard de La Bataille.
  5. Espèce de prunes confites de Franche-Comté.