Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/65

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semblent aux métaphysiciens qui parlent de premiers principes. Je ne réponds donc de rien.

Pour votre pension, c’est autre chose, et j’en réponds. Encore une fois, ne vous découragez pas. Le roi a la bonté de m’écrire aussi souvent que quand il n’avait ni batailles à donner, ni villes à prendre. Ses bontés m’autoriseront à demander justice pour vous, d’autant plus que je n’ai nulle grâce à demander pour moi ; mais, encore une fois, vous n’avez pas besoin de mes sollicitations. Il n’y a qu’un coup de canon qui puisse vous empêcher d’être payé. Je ne vous écris pas fort au long, parce que je suis un peu malade, et tracassé de mille petits soins qui m’ôtent tout mon temps mais si vous vous portez bien, et si vous avez du loisir, écrivez longues lettres à votre ancien ami, qui vous aimera toujours.


1446. — À M. DE S’GRAVESANDE.
À Cirey, le 1er juin[1].

Je vous remercie, monsieur, de la figure que vous avez bien voulu m’envoyer de la machine dont vous vous servez pour fixer l’image du soleil. J’en ferai faire une sur votre dessin, et je serai délivré d’un grand embarras car moi, qui suis fort maladroit, j’ai toutes les peines du monde dans ma chambre obscure avec mes miroirs. À mesure que le soleil avance, les couleurs s’en vont, et ressemblent aux affaires de ce monde, qui ne sont pas un moment de suite dans la même situation. J’appelle votre machine un Sta, sol. Depuis Josué, personne, avant vous, n’avait arrêté le soleil.

J’ai reçu, dans le même paquet, l’ouvrage que je vous avais demandé, dans lequel mon adversaire[2], et celui de tous les philosophes, emploie environ trois cents pages au sujet de quelques Pensées de Pascal, que j’avais examinées dans moins d’une feuille. Je suis toujours pour ce que j’ai dit le défaut de la plupart des livres est d’être longs. Si on avait la raison pour soi, on serait court ; mais peu de raison et beaucoup d’injures ont fait les trois cents pages.

J’ai toujours cru que Pascal n’avait jeté ses idées sur le papier

  1. Cette lettre, à laquelle on a trop souvent donné la date de 1738, a été imprimée pour la première fois à la suite d’une édition de : le Fanatisme ou Mahomet le prophète, tragédie ; Amsterdam, Ledet, 1743, in-8o de xxiv et 112 pages. J’ai rétabli en note ou variante un passage. Guillaume-Jacob S’Gravesande, né en 1688, est mort le 28 février 1742. (B.)
  2. Boullier, auteur de la Défense de Pascal. Voyez la note 2, tome XXII, page 16.