Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/144

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de tout à sa souveraine), Nous avons répété aujourd’hui[1] la pièce avec ces changements, et devant qui, madame ? Devant des cordeliers, des jésuites, des pères de l’Oratoire, des académiciens, des magistrats, qui savent leurs Catilinaires par cœur ! Vous ne sauriez croire quel succès votre tragédie a eu dans cette grave assemblée. Ah ! madame, qu’il y a loin de Rome au cavagnole ! Cependant il faut plaire même à celles qui sont occupées d’un vieux plein. Ame de Cornélie ! nous amènerons le sénat romain aux pieds de Votre Altesse lundi ; après quoi, il y aura grand cavagnole, car vous réunissez tout ; et je sais l’histoire d’un problème de géométrie et des bouteilles de savon.

Il faut que vous sachiez, madame, que j’ai fait vos quatre vers, et que j’ai tâché de les faire du ton dont j’ai fait votre tragédie. C’est une critique digne du grand Condé, de vouloir que Cicéron, qu’un consul romain, que le chef de l’État ait des raisons indispensables pour envoyer un autre combattre à sa place. Où serait la vraie grandeur, madame, si elle n’était pas dans votre âme ? La reconnaissance, l’admiration, le plus tendre attachement, sont dans la mienne.

Le sénat et le peuple romain vous présentent leurs hommages.


2096. — DU PRINCE LOUIS DE WURTEMBERG[2].

Que je suis fâché, monsieur, de n’avoir pu assister aux représentations de Rome sauvée, que vous avez bien voulu accorder à Mme  la duchesse du Maine ! Les personnes qui ont été plus heureuses que moi ne peuvent assez m’exprimer leur contentement. Je vous prie de ne pas douter de la part que j’y prends. J’en suis pénétré de joie, mais je ne m’en suis point étonné ; vous êtes fait pour nous donner du parfait, et on doit l’attendre d’un génie tel que le vôtre. Mais pourquoi être ingrat à votre patrie ? Pourquoi nous soustraire un morceau digne des Romains, que vous dépeignez si bien, pour l’emporter dans des contrées éloignées ? Est-ce pour nous priver du plaisir de vous applaudir ? ou est-ce que vous ne nous croyez pas dignes de posséder du bon ? Je crois, à vous dire la vérité, avoir deviné juste, et ne puis que vous donner raison. Vous n’êtes pas fait, monsieur, pour être en concurrence avec l’auteur d’Aristomène et de Cléopâtre. Quoi de plus insul-.

  1. Le 21 juin, sur le théâtre de l’hôtel de la rue Traversière. C’est donc à tort que Beuchot avait classé cette lettre, ainsi que la précédente, dans le mois de novembre 1749.
  2. Louis-Eugène, prince de Wurtemberg, second fils de la duchesse de Wurtemberg, dont parle Voltaire dans sa lettre du 3 octobre 1743 au ministre Amelot, naquit au commencement de 1731. Voyez la lettre 1894.