de lui faire réciter Hérode, Titus, et Zamore, de le faire crier à tue-tête dans les endroits de débit où sa voix est toujours, jusqu’à présent, faible et sourde. C’est peut-être le défaut le plus essentiel et le plus difficile à corriger. Je voudrais bien qu’il jouât un jour Cicéron[1]. J’espère que je ferai quelque chose d’Aurélie[2] ; mais je me saurai toujours bon gré de n’en avoir pas fait un personnage aussi important que le consul Catilina et César, Elle ne peut avoir que la quatrième place. Les femmes trouveront cela bien mauvais ; mais ma pièce n’est guère française ; elle est romaine. Vous me jugerez à mon retour. Condamnez, si vous voulez, mon travail, mais pardonnez à mon voyage, et obtenez-moi l’indulgence de M. de Choiseul et de M. l’abbé de Chauvelin. Mes chers anges, ne me grondez point ; il me suffit de mes remords. Si vous avez des ordres à me donner, envoyez-les chez moi : on les fera tenir à votre errante créature.
Ainsi dans vos galants écrits,
Qui vont courant toute la France,
Vous flattez donc l’adolescence
De ce d’Arnaud que je chéris,
Et lui montrez ma décadence[3].
Je touche à mes soixante hivers ;
Mais si tant de lauriers divers
- ↑ Ce fut La Noue qui joua ce rôle, au grand déplaisir de Voltaire.
- ↑ Personnage de Rome sauvée.
- ↑ Voici les vers que le roi de Prusse avait faits pour d’Arnaud ; nous les donnons d’après l’original, publié dans l’Amateur d’autographes, année 1868, page 22.
D’Arnaud, par votre beau génie
Venez réchaufer nos cantons.
Par les sons de votre harmonie
Réveiller ma muse asoupie
Et diviniser nos Manons.
L’amour présida à vos chansons
Et dans vos himmes que j’admire
La tendre volupté respire
Et semble dicter ses leçons.
Dans peu, sans être témérère
Prenant votre vol jusqu’aux cieux
Vous pouvez égaler Voltère
Et près de Virgile et d’Homère
Jouir de vos succez fameux ;
allait accomplir sa vingt-deuxième année. De 1750 à 1778, l’auteur et l’acteur ne cessèrent d’avoir des relations l’un avec l’autre. (Cl.) — Voyez la lettre 2173.