Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/182

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votre avis ; il trouve que Rome sauvée est ce que j’ai fait de plus fort. Ce serait une raison pour faire tomber, à Paris, cette pièce, et pour faire dire à la cour que cela n’approche pas de la belle pièce de Catilina imprimée au Louvre. Mille tendres respects à Mme d’Argental, à votre famille, à vos amis. Soit que je voie Rome ou non, je vous embrasserai sûrement, cet hiver, avant de repartir pour Berlin, Donnez-moi, je vous en conjure, des nouvelles de Mme d’Argental, Adieu, encore une fois ; quand je vous parlerai, vous me direz que j’ai raison.

À propos, vous me reprochez de faire avec joie des portraits flatteurs à ma nièce ; voudriez-vous que je la dégoûtasse, et que je me privasse de la consolation de vivre à Berlin avec elle, et d’y parler de vous ? Voudriez-vous que je fusse insensible aux fêtes de Lucullus et aux vertus de Marc-Aurèle ?


2121. — À MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH[1].
(Septembre 1750.)

Madame, que Votre Altesse royale renonce à Mme de Graffigny. Elle est vieille, elle est malade. Mais vous êtes malade et vieux, me dira Votre Altesse royale. Oui, madame ; mais j’ai les passions jeunes, et le roi, votre frère, me rajeunit. En un mot, Mme de Graffigny ne veut point quitter Paris, et moi, je ne veux point quitter Frédéric le Grand. Chacun dans ce monde est gouverné par son goût. Je vous déterrerai quelque complaisante, ni jeune ni vieille, point tracassière, femme d’esprit, femme honnête, femme de condition, et vous aurez cela pour vos étrennes, aussi bien qu’un certain petit fou nommé Heurtaud, que M. de Montperny a retenu. Il fait pleurer dans la tragédie et pouffer de rire dans le comique. Point de Rome sauvée aujourd’hui. Il faut que vous jouissiez du roi tout à votre aise. Cicéron a d’ailleurs ses coliques infernales qui l’empêchent de vous faire sa cour et de briller en brodequins aujourd’hui.

Je me mets aux pieds de Votre Altesse royale.

Voltaire.
  1. Revue française, 1er février 1866 ; tome XIII, page 197.