Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/210

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personne n’a que faire ; que par là on se ferme toutes les portes, qu’on passe sa vie à faire du mal et à en essuyer, et qu’on se prépare des repentirs bien cuisants. Vous guérissez, monsieur, des maladies qui sont moins cruelles et moins dangereuses que celles-là ; mais il est plus difficile de guérir les âmes que les corps.

Ce n’est que l’amour des lettres, que je voudrais qui fussent respectées, qui me fait parler ainsi. Je ne lis aucune des misérables brochures dont on dit que Paris est inondé. Je jouis du loisir le plus honorable auprès d’un des plus grands hommes de la terre ; il me comble d’honneurs et de biens ; mais dans mon bonheur je songe toujours aux malheureux.

J’ai l’honneur d’être avec le dévouement le plus sincère, monsieur, etc.

Voltaire,
chambellan du roi de Prusse.

2148. — À MADAME DENIS.
Potsdam, le 17 novembre.

Je sais, ma chère enfant, tout ce qu’on dit de Potsdam dans l’Europe. Les femmes surtout sont déchaînées, comme elles l’étaient, à Montpellier, contre M. d’Assoucy[1] ; mais tout cela ne me regarde pas.


J’ai passé l’âge heureux des honnêtes amours,
Et n’ai point l’honneur d’être page.
Ce qu’on fait à Paphos, et dans le voisinage,
M’est indifférent pour toujours.

Je ne me mêle ici que de mon métier de raccommoder la prose et les vers du maître de la maison. Algarotti me disait, il y a quelque temps, qu’il avait vu, à Dresde, un prêtre italien fort assidu à la cour. Vous noterez qu’à Dresde presque tout le monde est luthérien, hors le roi. On demandait à cet abbate ce qu’il faisait : Io sono, répondit-il, catolico di Sua Maesta ; pour moi, je suis il pedagogo di Sua Maesta. Je me flatte que, en me renfermant dans mes bornes, je vivrai tranquillement.

J’ignore parfaitement tout ce qui se fait ici. Si j’avais été dans le palais de Pasiphaé, je l’aurais laissée faire avec son tau-.

  1. Voyez le Voyage de Chapelle et Bachaumont.