Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/356

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Je ne crois pas que les premiers principes, qui sont les secrets de l’éternel Géomètre, soient faits pour être connus par des êtres finis ; mais


Non propius fas est mortali attingere divos[1].


À l’égard des sottises des chétifs mortels, sous le nom de Siècle de Louis XIV, vous serez assurément un des premiers que j’en ennuierai. Je vous prie de faire souvenir de moi M. le président de Jariges, dont je révère les lumières et l’équité, et pour qui j’ai autant d’amitié que d’estime. C’est avec les mêmes sentiments que je suis, de tout mon cœur, votre, etc. V.


2309. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Le 14 décembre.

Mon cher ami, le nez à la romaine doit être allongé de quelques lignes, car notre Aurélie ne dit plus :


Ne suis-je qu’une esclave au silence réduite,
Par un maître absolu dans le piège conduite ?


ni

Une esclave trop tendre, encor trop peu soumise ;


mais elle dit :

J’ignore à quels desseins ta fureur s’est portée ;
S’ils étaient généreux, tu m’aurais consultée.

(Acte I, scène iii.)

Elle parle dans ce goût ; elle est tendre, mais elle est ferme. Elle s’anime par degrés ; elle aime, mais en femme vertueuse ; et on sent que, dans le fond, elle impose un peu à Catilina, tout impitoyable qu’il est. J’ai tâché de ne mettre, dans l’amour de Catilina pour elle, que ce respect secret qu’une vertu douce et ferme arrache des cœurs les plus corrompus ; et, quoique Catilina aime en maître, on voit qu’il tremblerait devant cette femme aimable et généreuse s’il pouvait trembler. Ces nuances-là étaient délicates à saisir. Je ne sais si je les ai bien exprimées, mais je sais qu’il sera difficile à une actrice quelconque de les

  1. Ce vers est de Halley, Voltaire l’a souvent cité.