Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/405

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Votre Altesse royale ne croit. Il est vrai que Mme  la duchesse de Wurtemberg passa une nuit chez vous à en transcrire quelques lambeaux. Mais ce qu’on a à Vienne des dépouilles de cette Pucelle vient de la bataille de Sorr ; les housards, qui s’amusèrent à piller le bagage du roi pendant qu’il battait les troupes réglées d’Autriche, volèrent le Siècle de Louis XIV et ce que le roi avait de la Pucelle : cela consiste en sept ou huit cents vers détachés du corps de l’ouvrage. Ainsi Jeanne a été un peu houspillée, mais elle n’a pas perdu tout à fait son pucelage. Cette Jeanne était destinée à être toujours prise à la guerre.

J’en fis deux nouveaux chants, il y a quelques mois ; j’y fourrai un gros Tyrconnell. Mais mon Tyrconnell ne l’a pas porté loin.

Pardon, madame ; il ne me reste point de place pour présenter à Vos Altesses royales les profonds respects de


frère Voltaire.

2355. — DE LONGCHAMP[1].
À monsieur de Voltaire, au palais du roi de Prusse, à Potsdam.
À Paris, ce 30 mars 1752.

Monsieur, je viens de recevoir la lettre que vous m’avez fait écrire par M. de Francheville. Je l’ai ouverte en tremblant, dans la crainte où j’étais de vous trouver irrité contre moi, autant que mon imprudence le mérite. Mais j’y ai trouvé une bonté à laquelle je n’avais pas droit de m’attendre. Je reconnais le tort que j’ai eu et la faute que j’ai faite. Vous me promettez un pardon qui fait l’objet de mes désirs, et que je crois avoir mérité par mon repentir, si, par le regret qu’on a de ses fautes, on peut les effacer. Vous me donnez des avis salutaires (dont je veux profiter) pour rentrer dans le chemin de la vertu, dont, jusqu’à présent, je ne me suis écarté qu’une seule fois. Vous connaissez l’auteur de mon égarement. J’ai ouvert les yeux, mais trop tard ; j’ai vu le précipice où ses conseils pernicieux m’entraînaient. J’ai réparé ma faute autant qu’il était possible de le faire, en brûlant toutes les copies que j’avais tirées de vos ouvrages, et dont je n’avais fait aucun usage. Alors j’ai brisé les liens qui me retenaient, et j’ai cessé totalement de voir une personne qui m’a fait perdre mon innocence et votre estime. Je veux la recouvrer, et faire tout ce qui dépendra de moi pour mériter la grâce que vous m’offrez si généreusement, et vos bienfaits. Je ne vous rappellerai point tout ce que je vous ai dit autrefois, ou écrit depuis votre départ. Je vous ai toujours accusé le vrai, je vais encore vous dire la vérité, telle que je la sais, sur tous les articles contenus dans la lettre que j’ai reçue de votre part.

  1. Mémoires sur Voltaire, par Longchamp et Wagnièro, 1826, tome II, page346.