Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/430

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jours un à basse note et du fond du cœur, quand je vous croirai aussi heureux que vous méritez de l’être.

Je m’occupe à une seconde édition du Siècle de Louis XIV, beaucoup plus ample et plus curieuse que la précédente, et purgée de toutes les fautes qui défigurent celle que je voudrais bien qui n’entrât pas dans Paris. Hesternus error, hodiernus magister. Adieu, mon cher ami : divertissez-vous, mais ne m’oubliez pas tout à fait.


2373. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Potsdam, le 3 mai.

Mon cher et respectable ami, il faut que je passe mon temps à corriger mes ouvrages et moi, et que je prévienne les années de décadence où l’on ne fait plus que languir avec tous ses défauts. Les Céthégus et les Lentulus sont des comparses qui m’ont toujours déplu, et j’ai bien de la peine avec le reste ; j’en ai avec Adélaïde, avec Zulime, et surtout avec Louis XIV. Je quête des critiques dans toute l’Europe. Je vous assure que j’ai déjà une bonne provision de faits singuliers et intéressants ; mais j’attends mes plus grands secours de M. le maréchal de Noailles. Je vous prie d’engager M. de Foncemagne à accélérer les bontés que M. de Noailles m’a promises[1] ; mais je voudrais que M. de Foncemagne ne s’en tînt pas là ; je voudrais qu’il voulût bien employer quelques heures de son loisir à perfectionner ce Siècle de Louis XIV, ce siècle de la vraie littérature, qui doit lui être plus cher qu’à un autre. Quelques observations de sa part me feraient grand bien. Je les mérite par mon estime pour lui, et par mon amour pour la vérité. Je prépare une nouvelle édition ; mais j’ai bien peur que ma nièce n’ait point encore envoyé à M. le maréchal de Noailles l’exemplaire sur lequel il devait avoir la bonté de faire des remarques. Si malheureusement Mme  Denis n’avait plus d’exemplaires, je vous supplie de lui prêter le vôtre pour cette bonne œuvre ; je vous payerai avec usure. Mais je vous ai, je crois, déjà mandé que j’avais supplié M. de Malesherbes de ne laisser entrer en France aucun ballot de la première édition, et d’empêcher qu’on en fît une nouvelle sur un modèle si vicieux. Je vous le dis encore, mon cher ange, ce n’est là qu’un essai informe, et je ne ferai certainement mon voyage de Paris que quand je serai parvenu à donner un ouvrage plus digne du

  1. C’étaient les deux morceaux mentionnés dans le dernier alinéa de la lettre 2367.